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Cinéma
Qui d’autre que le provocateur catalan pour filmer la corrida en 2024 ? Attendu depuis Pacifiction, césarisé en 2023, Albert Serra dresse le portrait au ras du corps de Andrès Roca Rey, matador à la gueule d’ange. À la fois inscrit dans un passé mythique et tourné vers l’avenir du cinéma, cet anti-documentaire contourne les polémiques qui criblent la corrida en prenant le risque d’en révéler la dimension métaphysique.
En Asie du Sud-Est, on a beaucoup à célébrer en 2025 : rien qu’au Vietnam, 80 ans d’indépendance et 50 ans depuis la fin de la guerre, puis au Cambodge aussi, 50 ans depuis la prise de Phnom Penh par les Khmers Rouges. Le festival Si Loin Si Proche, le seul en France à se pencher sur cette région d’Asie, se saisit de ces dates anniversaires pour éclairer le présent de trois pays voisins – Laos, Cambodge et Vietnam – et de ses diasporas. Performances, rencontres, musique, courts et longs métrages : Mouvement fait sa sélection dans la programmation.
Société
Inexistant au début du millénaire, le cinéma corse explose. Trois films insulaires étaient présentés au dernier festival de Cannes. Sur l’île, le septième art est vécu comme un moyen de réinvestir les représentations identitaires : raconter son histoire de la violence, puis passer à autre chose. Des acteurs non professionnels – adolescents sans histoire ou anciens militants du FLNC – tiennent le haut de l’affiche. Une épopée entre mer et montagne, de Bastia à Bastelica, garantie sans Christian Clavier.
Des étudiantes autrichiennes oisives, une rando herboriste, un hippopotame traqué, un film-performance sur la bête du Gévaudan, et une relecture du conte d’Aladin : au Festival international du Cinéma de Marseille, chacun sa légende. Mouvement s’arrête sur cinq films en compétition lors de cette édition prématurée en raison des JO.
Dans le monde anglo-saxon, les coordinatrices d’intimité sont devenues monnaie courante sur les plateaux de cinéma ; en France, où l’auteur est roi, les réticences sont grandes mais l’idée fait son chemin. Mouvement a interrogé les pionnières du métier ainsi que des acteurices, des productrices et une réalisatrice. Protocole expérimental pour saboter le cinéma-prédateur.
Une sieste à plusieurs à Taïwan. Un bavardage sur un rond-point à Sri Lanka. Une rando à 3 000 mètres d’altitude au Pérou. L’air est moite et les journées s’étirent : malgré son titre de blockbuster, The Human Surge 3 prend son temps. Au gré de quelques courts et d'un premier long-métrage (The Human Surge en 2016 – le second volet n’existe pas), le réalisateur Eduardo Williams s’est fait l’artisan d’un cinéma d’immersion où le ressenti et la durée priment. Son adjuvant favori pour restituer cette sensualité est la prise de vue à 360°, façon Google Street View ou first person shooter. Son nouveau docu-fiction a été tourné à l’intérieur d’un casque de réalité virtuelle : les glitchs sont fréquents et restitués tel quel ; l’image ultra-panoramique s’affaisse sur les bords comme la Terre vue du ciel. Mais à l’inverse des géants de la tech qui abusent de cette technologie pour contrôler nos villes, le cinéaste argentin s’en saisit pour proposer une observation méditative du genre humain dans son environnement. Formé au Fresnoy sous l’égide du réalisateur portugais Miguel Gomes, Williams pose un regard multidimensionnel sur des fragments de vie et éclate la mappemonde. Mais si The Human Surge 3 défie les catégories, le film a des antécédents : les embardées les plus mystiques de Terrence Malick, les stases et les zones aqueuses d’Apichatpong Weerasethakul, le naturalisme dans le détail d’Abdellatif Kechiche et l’innovation formelle de l’école expérimentale. Ses personnages, éparpillés dans trois pays du Sud global, ont aussi des points communs : les frustrations de la précarité, la jeunesse et ses élans. Eduardo Williams invite à sentir le monde à travers leurs yeux, leurs corps. Et à devenir ce spectateur omniscient par le biais d’une technologie détournée à des fins émancipatrices – une fois n’est pas coutume.
37 ans après avoir été tournés, certains documentaires résonnent encore. Peut-être parce que le monde ne change pas tant que ça ; probablement parce que ces films visent juste et touchent à des réalités qui perdurent, bien après la mort de leurs protagonistes. Classified people, tourné en Afrique du Sud en 1987, est de ceux-là. On y suit un vieux couple démesurément amoureux en plein apartheid : Doris est une femme noire ; Robert pensait être un homme blanc avant que les autorités n’en décident autrement. Sa première femme le quitte et ses enfants le rejettent pour échapper à la ségrégation. La matrice du cinéma de Yolande Zauberman se dessine dans ce premier film : la rencontre au centre, et un dispositif simple qui déroule comme par magie une incroyable intimité. L’amour, la religion, la politique. Parisienne d’origine polonaise, locutrice du yiddish, c’est sa rencontre avec le réalisateur israélien Amos Gitaï qui la fait basculer. « Le cinéma m’a éduquée et la caméra m’a mise debout », dit-elle. Sans commettre d’effraction, à la manière d’une psychanalyste, Yolande Zauberman pousse des portes verrouillées à triple tour. Elle trouve la lumière dans les zones les plus sombres de l’humanité. Pour M (2018), elle s’est immiscée à Bnei Brak, capitale des juifs ultraorthodoxes, avec un jeune homme qui cherche à confronter ses violeurs. En revenant sur les lieux des crimes, ce film met la focale sur le scandale d’une pédophilie à grande échelle, et dévoile le cercle vicieux qui transforme les victimes en bourreaux. Avec La Belle de Gaza, présenté à Cannes cette année, la cinéaste poursuit sa quête dans la nuit de Tel Aviv aux côtés de femmes trans, demi-déesses marginalisées. C’est parfois dans le noir que se révèle le vrai visage de la société.
Immersion dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, bien après le saccage de la police et l’abandon du projet d’aéroport. Pour leur deuxième collaboration, Guillaume Cailleau et Ben Russell dressent un état des lieux une fois le calme revenu dans le bocage. Sur 3h30, peu de discours militants, peu de dialogues, mais plutôt la vie simple au quotidien. Primé à la dernière Berlinale, DIRECT ACTION prend la réalité du terrain à bras-le-corps et rend compte d’une utopie tout à fait concrète.
Documentaires d’auteur, expériences formelles, essais filmiques : du 22 au 31 mars à Paris, le Cinéma du Réel réunit ce que l’on ne voit pas ailleurs. Si la programmation vous perd, Mouvement a repéré pour vous trois portes d’entrée.