
Aux Mourinoux, quartier d’Asnières-sur-Seine, les habitants partagent leur spleen et leur rêve d’évasion. À l'occasion du week-end pluridisciplinaire Sur les bords au T2G, Rayane Mcirdi présente Le Croissant de feu, court métrage entre fiction et documentaire, sous le signe de la nostalgie.

Réfractaire au formatage et aux classifications de genres, le Festival du moyen-métrage de Brive célébrait cette année sa 20eme édition dans l’allégresse. Contrecoup des années covid, la tonalité des films était à contrario plutôt morose, traversée par les motifs récurrents du deuil impossible, des rendez-vous manqués et des fantômes d’amours passées. À moins qu’il ne s’agisse de leur résurrection ?

C’est avec une œuvre radicale qu’elle alimente le cinéma français depuis 35 ans. Printemps 1988 : Chocolat électrise et divise les spectateurs du Festival de Cannes. Claire Denis a lâché son premier film, celui d’une femme blanche éduquée dans le crépuscule de l’Afrique coloniale, formée auprès de Wim Wenders et Jim Jarmusch, lectrice de Frantz Fanon : un cinéma subtil, intelligent, interprétable. On lui explique alors que son regard est sexualisant, en plus d’être symptomatique de son genre. La réalisatrice réfute ces deux accusations : elle ne veut pas faire des films de femme, pas plus que des films d’homme. Depuis, elle arpente les coursives du cinéma d’auteur, du fait divers à la science-fiction, de la banlieue parisienne à Djibouti, d’Isabelle Huppert à Vincent Lindon. Hollywood la courtise régulièrement ; ses films sont encore assez peu montrés en France. Elle a reçu l'année dernière le Grand Prix du Festival de Cannes pour Stars at Noon et le prestigieux Ours d’argent à la Berlinale pour la réalisation de Avec amour et acharnement, adapté d’un roman de Christine Angot. À 76 ans, ni le conformisme, ni les paillettes des grandes cérémonies ne la contraignent à regarder le monde comme il faudrait. Elle taille la route avec ses personnages, fidèle à leurs erreurs, chroniqueuse de leurs bifurcations. Des errances désirantes.

Artiste total et figure pop, l’auteur défunt incarne le clivage qui se jouait dans le milieu homosexuel pendant les années sida : chacun pour sa peau ou tous pour un ? Brouillé avec Act Up, invité chez Ardisson, l’énarque devenu archéologue des backrooms parisiennes cherchait la parole radicale… quitte à verser parfois dans l’intolérance. Alors que le milieu culturel le réhabilite progressivement, il est raconté par ceux qui l’ont le mieux connu.

Parmi les œuvres filmées d’Exposé.e.s figure un portrait truculent, celui du militant d’Act Up Hervé Couergou, emporté en 1994 par l’épidémie. Vagabond dandy, artiste à ses heures, on le rencontre en famille, chez des amis, à travers ses chansons et ses poèmes - ou bourré sur son lit. Tout en surimpressions vidéo et digressions domestiques, c’est Lionel Soukaz qui l’a croqué dans son Journal Annales, travail au long cours initié caméra au poing en 1991, que met en forme son ami cinéaste Stéphane Gérard. Soukaz compte parmi les quelques pionniers queer du cinéma indépendant français. En 1978 il réalise Race d’Ep, film composite et espiègle entre fiction et docu retraçant une histoire de l’homosexualité sur des textes du militant Guy Hocquenghem. Lui succède Ixe en 1980, collage épileptique et autodestructeur dans la tradition expérimentale. Censurés en leur temps, ces deux films, reflets kaléidoscopiques d’une condition gay pré-SIDA, n’ont vécu qu’en festival depuis. Ces photogrammes en sont tirés.