
Chez Antonia Baehr et Latifa Laâbissi, la référence fait performance. Sur un ring de carton, le duo de danseuses-chorégraphes visite son panthéon pop et théâtral. L’occasion de célébrer leur maturité à venir, avec dérision et irrévérence.

Et si, réunies, les madones n’étaient qu’une bande de meufs comme les autres ? Pour sa première pièce de groupe, la chorégraphe Leïla Ka tente une danse expressionniste, théâtrale au possible, toute en gags et en clins d’œil pop.

Les femmes ont des carrières moins longues et des promotions moins importantes : c’est vrai dans la culture comme ailleurs. Pour les danseuses et les chorégraphes, dont le corps est l’outil de travail, la grossesse demeure un plafond de verre – et les inégalités se creusent encore après l’accouchement. Il faudrait refonder les structures, adapter les productions, et, évidemment, allonger les congés de maternité. Dialogue à plusieurs entre la conception et l’école maternelle : ici, la grossesse dure trois ans.

En 2013, Julien Gosselin adapte Michel Houellebecq sur scène : 4 heures. En 2016, Roberto Bolaño : 11 heures. En 2018, Don De Lillo : 10 heures. Le metteur en scène aime rester longtemps avec nous. Outre la durée de ses spectacles-marathons, sa démesure est devenue une marque sur la scène contemporaine : Gosselin, c’est un acting extrême, des plateaux chargés, un dispositif vidéo massif. Ce gigantisme formel creuse pourtant des zones secrètes : les pulsions violentes qui irriguent la société, nos passions coupables, nos contradictions, nos solitudes. Son dernier spectacle en date, Extinction, pousse le bouchon misanthrope encore plus loin.Cinq heures trente où se croisent clubbing immersif, nihilisme social et fin du monde, sur des textes de Thomas Bernhard et Arthur Schnitzler, en allemand et en français. Le fleuron de la Mitteleuropa des années 1910, parangon de l’excellence occidentale, s’y répand en excès jusqu’à l’autodestruction, et une jeune intellectuelle déverse sa haine de l’Allemagne post-nazie qui l’a enfantée. Une semaine avant la première du show en juin dernier, Emmanuel Macron bredouille une des inepties réactionnaires dont il a secret : selon lui, la société serait en voie de « décivilisation ». Et si, justement, trop de civilisation tuait la civilisation ?

Dialogues en playback, masques de latex, malaise ambiant et esthétique hyper-technophile : en Allemagne, les institutions culturelles ont mis dix ans à digérer la vision de la metteure en scène Susanne Kennedy, désormais incontournable. En 2015, le jury des Rencontres théâtrales de Berlin la récompense en qualifiant ses travaux « d’expériences humaines sadiques ». Son style, crispant et statique, s’est d’abord illustré dans des adaptations de films ou de textes classiques qui lui ont assuré ses premiers tubes. C’est en collaborant avec le plasticien Markus Selg, son partenaire à la ville, qu’elle a développé sa propre écriture : baignée de mythologie et de posthumanisme mais entièrement composée de matériaux prélevés sur le web. Enfant des grosses maisons du pays, elle a attendu la quarantaine pour monter sa propre compagnie et s’exporte cette année hors de ses frontières. Sa nouvelle création ANGELA (a strange loop) nous plonge dans la crise métaphysique d’une youtubeuse persécutée par son entourage et une maladie inconnue. Le résultat tombe quelque part entre une reconstitution d’Inland Empire de David Lynch dans les Sims, et un soap opera du 4.48 Psychose de Sarah Kane version escape game.