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Lucrecia Martel, figure du « Nouveau cinéma argentin », fait peu de films mais touche à tous les genres : l’épouvante, la bande dessinée, la science-fiction. Elle s’intéresse aux classes sociales, la sienne d’abord : sa « trilogie de Salta », du nom de la ville où elle est née au nord du pays en 1966, décrit un monde bourgeois dont les attitudes exercent une violence sourde sur leur environnement. Dans La Ciénaga (2001), les enfants chassent dans la forêt pendant que les adultes s’enivrent au bord de la piscine et qu’un orage annonce un danger imminent. L’adolescente de La Sainte Fille (2004) poursuit un docteur venu se frotter contre elle, tandis que La Femme sans tête (2008) commet un délit de fuite sans que l’on sache si elle a renversé un chien ou un enfant, son entourage s’efforçant de faire comme si de rien n’était. Hantés par la dictature argentine, ces films donnent à sentir, sans commentaire, la domination et la complicité d’une classe aisée et blanche. Pour autant, les névroses qui circulent dans le cinéma de Lucrecia Martel n'éclatent jamais tout à fait à l'écran. C’est le son, dont elle ne cesse de clamer l’importance, qui les prend en charge. Son dernier film, Zama (2017), aborde la colonisation espagnole du XVIIIe siècle et met en scène un piteux fonctionnaire du vice-Roi des Indes qui attend en vain sa mutation. Depuis, tout en réalisant régulièrement des films courts, Martel travaille sur un documentaire qui traite de la résistance des communautés indigènes contre la spoliation de leurs terres, sujet d’autant plus crucial que l’Argentine s’est vouée à un économiste d’extrême droite armé d’une tronçonneuse.


Entretien extrait du N°124 de Mouvement




Vous travaillez depuis douze ans sur un documentaire autour de Javier Chocobar, activiste autochtone assassiné en 2008 par un propriétaire terrien dans la province de Tucumán. Ce 11 novembre, l’Argentine a été le seul pays à s’opposer à une résolution de l’ONU pour protéger et promouvoir les droits des peuples indigènes. Qu’est-ce que l’élection de Javier Milei a changé dans votre approche de ce sujet ?

 

Il m’a fallu repenser et reformuler beaucoup de concepts. Quand le film existera, il entrera inévitablement en dialogue avec le monde de Milei et ceux qui le soutiennent. Le langage du film ne devra pas fermer la porte à tous ces gens remontés contre les causes que soutenait l’administration précédente. Je prends donc soin de ne pas utiliser de mots, de formes ou de concepts qui suscitent le même rejet que celui qui a porté Milei au pouvoir. C’est sur cette colère, dirigée contre l’ancien gouvernement, qu’il a bâti sa popularité. Mais si son discours est d

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