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Le premier Amours est né entre quatre murs bien étanches, ceux du centre de détention de l’agglomération arlésienne, où Joël Pommerat intervient régulièrement depuis 2014. En 2019, le metteur en scène et trois comédien.ne.s professionnel.le.s y engagent un projet théâtral au long cours avec les détenus volontaires. À l’issue d’une année de travail, Amours (1) est présenté au sein de la prison, loin des scènes et du public ordinaire des théâtres. Deux ans et deux libérations plus tard, la Cie Louis Brouillard reprend le projet hors les murs et pour le grand public avec deux des volontaires initiaux.



Dans le plus simple appareil


Un salon mal éclairé, une légère odeur de cigarette dans l'atmosphère. Crispé, un couple se tient assis sur le canapé, face au patriarche. Dans ce triangle sous tension, la bru peine à maintenir le dialogue, assurant à bout de bras la médiation entre les deux hommes. Cut. Dans les couloirs d’un bloc de grand ensemble, deux jeunes femmes tiennent les murs. Des taches suspectes décorent le sol, des graf au feutre et au crayon débattent sur le béton nu. Face à face encore, les deux amies reviennent sur les préludes de leur relation, avant l’intimité et la confiance. L’une se risque à l’exercice sans tricher : avant, quand tu étais hautaine… et c’est la crise. Cut.

 

Sur scène, en réalité, il n’y a presque rien. Deux chaises mortelles de banalités et un éclairage au néon jaune. Cinq comédien.ne.s, deux hommes et trois femmes, assurent les changements de décor et de costumes par le seul jeu théâtral. Sobrement juxtaposés, des dialogues extraits de pièces antérieures - Cet Enfant , Cercles/Fictions et La Réunification des deux Corées - composent un patchwork de pures situations où quelques humains, dans les cris ou les silences, tentent de braver la pudeur.

 


Retour à la base


Artiste prolifique, Joël Pommerat a imposé en quelques dizaines de créations une patte singulière, faite de contes sociaux (Le Petit Chaperon Rouge, Cendrillon) de fresques historiques (Ça ira (1) Fin de Louis) et de fable juvénile (Contes et légendes) où les avis d'expulsion, les plans de licenciement et autres cruautés les plus contemporaines se déploient dans un réalisme magique directement façonné par les jeux de lumière brumeuse et les adresses pythiques. À rebours des mises en scène ultra-léchées, Amours (2) opère le coup de grâce : sans recours aucun à l’appui technique, il n’y a plus que l’adresse, le poids des mots et la force de l’écoute.

 

La feuille de salle nous le rappelle encore : parmi les comédiens, deux d’entre eux n’avaient jamais foulé les planches jusqu’à peu. Mais rien n’y fait, la distribution livre dans une homogénéité parfaite des répliques dégrossies de l’habituel phrasé caractéristique des écoles de théâtre. Dans les postures, les tics de langage et les élisions, la fausse neutralité routinière des scènes nationales disparaît devant des humains ancrés et situés, pleins de leur singularité et de leur trajectoire de vie. Ni taulards, ni spectateurs, ni comédiens, il n’y a plus qu’une petite bande d’humains installés côte à côte, disposés pour un petit moment à s’écouter vraiment.


 

> Amours (2) de Joël Pommerat a été présenté les 21 et 22 octobre au Méta, Poitiers, dans le cadre des Rencontres d’Automne ; les 9 et 10 novembre au Gallia Théâtre, Saintes ; du 15 au 26 novembre à Arles et alentours ; du 7 au 9 décembre au théâtre Nanterre-Amandiers ; les 2 et 3 février au Domaine d’O, Montpellier ; du 9 au 12 février au Festival de Liège, Belgique ; du 21 au 24 février à La Coursive, La Rochelle ; du 7 au 25 mars au Théâtre des Bernardines avec Les Théâtres, Marseille ; du 11 au 29 avril à La Villette, Paris, dans le cadre du festival 100% Villette ; les 3 et 4 mai à La Comète, Châlons-en-Champagne ; du 9 au 13 mai au Théâtre Lepic, Paris ; les 23 et 24 mai à l'Agora, Boulazac ; les 8 et 9 juin au Musée du Louvre-Lens