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Assis sur un banc rouge pétant, Redwane Rajel impose d’emblée sa présence. De son passé de boxeur et de militaire, il conserve une silhouette athlétique, soulignée par un pantalon noir et un bleu de travail. L’homme était encore détenu lorsqu’il a fait ses armes de comédien auprès d’Enzo Verdet, au Centre pénitentiaire d’Avignon-Le-Pontet. C’est ce dernier qui le dirige dans À l’ombre du réverbère, récit de sa trajectoire chaotique. Au Théâtre Transversal, où le spectacle fait ses premières dates, l’exiguïté du plateau rappelle l’étroitesse d’une cellule. Le public entoure l’ex-prisonnier comme sur un ring. Seul en scène, celui-ci passe en revue ses souvenirs, de sa jeunesse avignonnaise à sa renaissance par le théâtre, en passant par le purgatoire carcéral. 

 


© Claire Gaby


Des barreaux au rideau


Au gré de ses allers-retours mémoriels, Redwane Rajel oscille entre confrontation et confession, gravité détachée et ironie souriante. Évasif sur l’ « affaire » qui l’a envoyé derrière les barreaux, il raconte la rudesse de la vie entre quatre murs, les promenades à heures fixes qui virent à la rixe, les deux années en quartier d’isolement où tout est bon pour tromper la solitude – le sport, mais aussi la drogue, fournie par un voisin russophone – et oublier les punaises qui le dévorent la nuit. La procédure judiciaire est longue, Redwane Rajel n’est pas tout de suite fixé sur la durée de sa peine. Ses réflexions, forgées dans la solitude, ont toutes une teneur existentielle. L’homme dit la douleur de l’attente et de l’incertitude quant à l’avenir, plus insupportable que celle des coups. Derrière le charisme et la voix puissante, le discours dévoile une vulnérabilité que le monde carcéral tend à diluer.


Mais pour passer de la prise de conscience à la résilience, il fallait encore rencontrer le théâtre. Cette rencontre s’est faite dans la prison même, en atelier. À sa sortie, sous la direction d’Olivier Py ou de Joël Pommerat, à Paris comme à Avignon, le voilà Macbeth ou garde d’Antigone. Plus qu’une reconversion, c’est bien une seconde vie que s’est faite Redwane Rajel sur les plateaux et qu’il déroule dans ce premier solo avec générosité et clarté – quitte à se restreindre à une langue parfois policée ou descriptive. Pas de quoi gâter la réussite de À l’ombre du réverbère, témoignage très incarné d’un long chemin depuis les geôles jusqu’aux plateaux. 



À l’ombre du réverbère d’Enzo Verdet, Bertrand Kaczmarek et Redwane Rajel est présenté au Théâtre Transversal jusqu’au 21 juillet, dans le cadre du festival Off d’Avignon