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Michel Onomo aka Meech émerge du premier rang de spectatrices et spectateurs pour apparaitre sur le plateau. Son corps musculeux et calme est révélé par une lumière douce. Il vibre sur les rythmes pulsés et denses de Charles Amblard. Le danseur est un expert de la house, cette danse de club née dans les entrepôts de New York et de Chicago au début des années 1980. Alors qu’il a été quatre fois vainqueur du Juste Debout, rendez-vous annuel incontournable des danse hip-hop à Paris, il emplit sans surprise l’espace par sa présence et captive son public. S’il évolue seul sur scène, c’est bien la chorégraphe Bintou Dembélé qui est aux manettes. Remarquée pour sa version krump des Indes Galantes en 2017 montée avec Clément Cogitore, elle se prêtait déjà à cet exercice avec Merel van Heeswijk, interprète du Ballet de l'Opéra de Lyon. Pour l’occasion, elle écrivait : « Un solo est une forme de rite de passage, un rendez-vous avec soi‑même. » Un exercice introspectif donc, imprégné ici d’une réflexion décoloniale.


Carte de visite


Deuxième danseur à se prêter au jeu, Michel Onomo y déploie des gestes profondément sentis, à travers un vocabulaire de pas changeant, tantôt géométrique, tantôt faits d’ondulations, qui se succèdent les uns après les autres avec fluidité. Un catalogue de mouvements, une énumération des gestes que Meech a performé dans son parcours de danseur : les stomp (pieds qui frappent fortement le sol) et les gimmicks (mimiques) du krump, les jeux de pieds rapides qui font écho aux footwork de la house, les saccades du popping et les ondulations du bassin aux accents caribéens. Portée par une interprétation qui allie douceur et contrôle, cette synthèse est le lieu d’une connexion à soi virtuose, tenue du début à la fin. Humblement, Michel Onomo se livre et tisse un dialogue intime avec son public. Geste après geste, en perpétuelle transformation, il exhorte à ne jamais le lâcher des yeux.


Auto-libération 


« À quoi ressemblerait une danse « marronne » ? » questionne Bintou Dembélé dans sa note d'intention. Résolument à la danse de Michel Onomo qui ne se fixe jamais. Par « marronnage », l’Histoire désigne l’auto-libération des esclaves noirs en Amérique ou aux Antilles à l’époque coloniale. Ils et elles fondaient souvent des communautés à la marge après avoir échappé à la captivité. Par extension, le terme désigne ici sa prise de liberté face aux normes esthétiques. La démarche transdisciplinaire de Bintou Dembélé propose des gestes qui évoluent sans cesse, jamais répétés, habitée d’une multiplicité de styles et d’influences. Le spectacle se place ainsi à l’abri de toute catégorie et laisse entrapercevoir un futur où la discipline s’affranchirait d’un regard blanc normatif. Une danse insaisissable pour qui tenteraient d’immobiliser et de diminuer.


Rite de passage - Solo II de Bintou Dembélé avec Michel Onomo a été présenté au Théâtre de Gennevilliers du 20 au 22 octobre 2022

du 10 au 18 février au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac dans le cadre du temps fort « Queerness, les Suds autrement », Paris