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La collection d’Olivier Mosset, présentée actuellement au Magasin de Grenoble, est principalement liée à son installation à New York dans les années 1980. « Parce qu'un marchand, John Gibson, m'a proposé de prendre des oeuvres à la place d’une somme d'argent qu'il me devait, dit-il, j’ai commencé cette “collection”. Ensuite, il y a des pièces qui proviennent d'échanges et d'autres que j'ai tout simplement achetées. Par la suite, je me suis effectivement intéressé à l’idée de rassembler des œuvres de manière plus volontaire, à faire des échanges, ou même à acheter. » Maintenant, après donation, la plus grande partie de ses œuvres appartiennent au musée des Beaux-Arts de la Chaud de Fonds.

Que pouvons-nous voir au Magasin ? De très belles photographies de pellicules de films grattées (Amy Granat), une bande de cassettes audio et un billet de loterie jeté sur le sol (Laurie Parsons), un siège de restaurant argenté (Diner Booth, 1988, John Armleder) face à une pièce sonore diffusant des bruits de cuisine (Kitchen, 1990, Ben Kinmont), la première pièce de Sylvie Fleury : des shopping bags (Egoïste, 1991), un magnifique portrait d’Olivier Mosset par Yan Pei Ming, une aquarelle de Sherrie Levine d’après un Mondrian, un pneu dans une housse de similicuir fabriqué par l’artiste fictif John Dogg – inventé par Richard Prince et le galeriste Colin DeLand, des boîtes de bobines de film empilées diffusant la musique du film « Birdy » (Arrangement, 1988, Ange Leccia), beaucoup de petites toiles abstraites/monochromes… Plus particulièrement, Olivier Mosset aime souligner son « plaisir » d’avoir une pièce de Cady Noland (un panier en métal regroupant des objets phares de la consommation américaine), un poster de Frank Stella ainsi qu’une « vache » de Warhol.

Pour Olivier Mosset, l’importance d’une collection se remarque par son caractère public, comme « une collection publique éparse. » Il se méfie de la propriété individuelle, mais avoue jouer le jeu de l’économie du marché. Au fur et à mesure de la constitution de sa collection, la tentation fut grande de s’amuser avec les signes de la propriété, de sa valeur et de son spectacle : « On trouve une certaine satisfaction dans la contemplation de l’art, ce qui est suffisant, j’imagine, mais la véritable valeur d’usage de l’art, ce n’est pas grand chose : c’est décorer votre salon ? Impressionner vos voisins ? En revanche, l’art a une valeur d’échange et le musée en est le terrain de jeu pour tous ceux qui en ont les moyens. »

C’est une exposition à la fois embarrassante - peu de « grandes œuvres », de pièces « remarquables » vis-à-vis du reste de la production de leurs créateurs - et en même temps très intimiste – de petites œuvres, des œuvres d’appartements, peu encombrantes, évoquant leur facile circulation, leur caractère « quotidien ». Il est important de souligner que ce qui reste le plus déterminant dans l’évaluation d’une telle exposition est ce plaisir d’être face au rassemblement d’œuvres d’une « famille de même sensibilité » ; d’une collection, qui à son départ, relève de l’occasionnel, de l’échange, de l’amitié.
Olivier Mosset s’amuse à dire qu’il n’est pas François Pinault – ni par goût, ni par manque de concentration sur une scène artistique, ni par moyen financier - et que « cette collection n'est pas la collection du siècle ». Là encore, le principal « mérite » de se rassemblement est la mise en avant de la proximité qu’il y a entre Olivier Mosset et les artistes qu’il collectionne, sa connaissance autant amicale qu’idéologique de la pratique des auteurs qu’il soutient : « ma collection parle de ce que certaines personnes ont fait à un certain moment en un certain endroit. » « Cette “collection” existe à cause des autres, aux circonstances de mon itinéraire et de mes rencontres dans un milieu qui était alors assez restreint où on pouvait presque tout connaître. La collection comprend des pièces d’artistes d’une scène qui était relativement solidaire et ouverte sur ses différentes composantes. »
Sa collection est une base de données d’images, de recherches plastiques. En somme une collection en activité, qui permet à Olivier Mosset d’en faire un champ de réflexion pour sa propre pratique picturale, lui qui insiste pour dire que « l’art, c'est ce que font les autres » : « Lorsque je suis arrivé à New York, dit-il, j’étais content de connaître ces gens qui avaient fait des peintures monochromes une alternative à la figuration expressionniste de l’époque. Plus tard, le retour à des formes d’art plus sophistiquées, le Néo-Géo, a été un soulagement. C’était cohérent, et en plus certaines de ces œuvres m’ont obligé à remettre en cause ma propre pratique. » Olivier Mosset collectionne donc depuis longtemps des œuvres monochromes/abstraites car pour lui la peinture est avant tout la narration de son processus, elle se montre pour être la trace du travail qui fut produit. De manière assez simple : l’application de la peinture sur la toile, la matière de la peinture, parfois mal étalée, permettent d’amplifier sa présence. Olivier Mosset aime mettre en évidence les modes de production d’une peinture, sans que cela se réduise à des données pédagogiques, pour montrer les rouages de cette activité pour écrire le matériel autant que le résultat.


> Portrait de l’artiste en motocycliste, du 11 octobre au 3 janvier 2010 au Magasin, Centre national d'art contemporain de Grenoble.


Photo : Andy Warhol, Cow, 1971, collection Olivier Mosset.

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