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Alors que le rendez-vous transdisciplinaire démarre en Belgique, le monde s’est réveillé le matin-même avec la gueule de bois, suite à la réélection de Trump. Le titre de la pièce de Ntando Cele, Wasted Land - soit pays gâché, dévasté - sonne programmatique. Un texte défile en fond de scène, façon Star Wars : nous sommes dans un futur proche et le monde tel qu’on le connaît est terminé. Des paysages désolés à l’esthétique futuristico-kitsch se succèdent. Sur les images, l’atmosphère est rouge et désertique, la terre pelée, la vie absente. Sur scène, des montagnes de vêtements rythment l’espace de leurs échafaudages précaires et colorés, symboles d’une décharge à ciel ouvert. Ntando Cele traverse les décors post-apocalyptiques vêtue d’une tenue argentée. Elle est la seule survivante à la fin du monde et porte une lourde charge sur sa tête. Cette posture adoptée par l’artiste noire réveille des représentations archaïques ou exotisantes des femmes du continent africain. Elle erre dans ce paysage désolé. Vient-elle de survivre à une guerre économique, raciale ou climatique ? « Pendant que les blancs s’attristent du futur », il faut marcher, raconter, énonce la voix off. En bref, prendre place à la table des récits et se saisir du cours de l’histoire. 


Trois choristes débarquent, voix chaudes, maquillage bleu et sourires puissants. Elles sont les voix de sa conscience et chantent la fin de l’électricité, des médias, des transports, d’internet. En chorale gospel ou chœur antique, elles plantent le décor d’un monde. Entre leurs mains, des cabas de déplacé.e.s se font totems, les ballots de vêtements deviennent les accessoires d’un défilé de mode improvisé, où les silhouettes sont créées à partir de vêtements de fast fashion mis au rebut. Un tableau qui rappelle le voguing dans son maniement du cliché et de l’ironie. Cette esthétique de la pauvreté rappelle un autre pillage : l’appropriation de motifs, coiffes et coupes de vêtements traditionnels africains par les équipes créatives d’H&M, Zara et consorts, entretenant une entente cordiale entre white et green washings. En fond de scène, ce sont maintenant des images de décharges infinies au Ghana, des plages jonchées de vêtements usagés abandonnés par l’Europe. Une grand-messe mordante s’organise autour de la Sainte Trinité Reduce, Reuse, Recycle, un sermon mené par l’une des choristes muée en prêcheuse télévangéliste qui enjoint ses ouailles à adopter de très beaux enfants nés sur le continent africain, dans le cadre de programme de recyclage. 


Lorsque la satire fonctionne à plein et que le discours colle à une mise en perspective de l’hypocrisie occidentale, Wasted Land fonctionne et fait grincer des dents, renvoie tout ce beau monde installé dans ses fauteuils rouges à sa propre conscience, à son champ d’actions et à leurs conséquences. La pièce pose des questions fondamentales, rappelle par exemple que certains mourront plus rapidement que d’autres à l’ère de l’apocalypse climatique. Pourtant, au fil de la pièce, la critique s’émousse. C’est peut-être que nous ne sommes pas encore habitué.e.s au temps de l’apocalypse qui doit être plus lent et englué. Alors que l’on quitte la chorale au son d’un rap qui scande « Buy less shit ! », on se souvient qu’un des plus dérangés climatosceptiques dirige à nouveau la première puissance mondiale. On n’a pas fini de ramer.


Wasted Land de Ntando Cele a été présenté les 6 et 7 novembre au festival Next à Het Perron, Ypres (Belgique)


⇢ du 17 au 19 décembre à Bonlieu - Scène nationale d'Annecy

⇢ du 16 au 18 janvier à Dampfzentrale, Bern


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