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En pleine jungle, un trio de scientifique se démène pour réintroduire un orang-outan dans son habitat naturel. Mais l’hominidé sent l’arnaque et refuse de quitter sa cage : la nature n’est plus un lieu safe, c’est bien connu. Non loin, quelques citadins aliénés suivent un stage survivalo-new age. À l’ordre du jour : renoncer à ses possessions pour renouer avec Mère Nature et son moi profond. Nos bobos y sont-ils prêts ou n’est-ce qu’un caprice ? Toujours en pleine forêt – ici figurée par un diorama de végétation et de terre recouvrant tout le plateau –, un couple d’influenceurs livestreame sa demande en mariage. Mais des oiseaux morts leur pleuvent dessus et une éruption volcanique s’apprête à les engloutir – bien fait pour leur gueule, pense-t-on. Dernière vignette : une dame âgée un peu allumée enterre son chien sur un talus. Le sol s’obstine à recracher la dépouille de l’animal. Et pour cause : la fin des temps, c’est maintenant. La planète exsude une lave blanche prête à submerger les vivants.

 

Ces saynètes ne sont pas les épisodes d’une web-série sur la crise environnementale, mais bien les chapitres de Timber, nouvelle création de la Compagnie Still Life. Remarqués dans le in d’Avignon en 2022, ces Belges pratiquent un théâtre sans dialogue, sorte de pantomime ultra expressif, dans des mises en scène hyperréalistes truffées d’effets spéciaux plus ou moins DIY – la « lave » du tableau final est tout simplement de l’eau moussante. Une recette efficace, que la troupe applique aujourd’hui à la thématique écologique. Leur angle : la nature prend sa revanche sur une race humaine pathétique qui n’a jamais su la défendre. Bien sûr, la Compagnie Still Life est loin d’être seule sur le créneau du théâtre à conscience verte, mais leur « revenge porn » doucement ironique a le mérite de se jouer du moralisme en vigueur sur le sujet.

 


©Alice Piemme



Car Timber mise sur un humour grand public qui rappelle autant les sketchs du Saturday Night Live – l’épisode sur les influenceurs s’en approche – que Problemos d’Éric Judor et Blanche Gardin – celui sur le new age nous y ramène. Plus généralement, le regard que porte la compagnie sur les turpitudes de l’anthropocène a quelque chose de l’ironie populaire des dessinateurs de presse. Aussi, plutôt que d’insuffler une dose d’abstraction, l’absence de dialogue y contribue curieusement, et pousse les comédiens à l’exagération comique. La pièce prend pourtant le soin de suspendre ces sarcasmes pendant les changements de plateau : des interludes contemplatifs, sonorisés par une électronica plaintive et zébrés par des lasers rasants, le tout simulant la colère qui boue dans les entrailles de la planète. Ces efforts plastiques culminent dans le cataclysme final, son et lumière low tech que n’aurait pas renié Philippe Quesne. Subsistent de cette joyeuse proposition une amertume inquiète et le doux souhait de voir la planète en finir avec nous.

 


Timber de la Compagnie Still Life, jusqu’au 22 mars au Tanneurs, Bruxelles (Belgique)

 

⇢ du 2 au 3 avril au Palais des Beaux-Arts de Charleroi (Belgique)

⇢ le 23 avril au Centre culturel de Huy (Belgique)

⇢ du 4 au 8 novembre aux Tanneurs, Bruxelles

⇢ du 19 au 23 mai 2026 aux Célestins, Lyon

⇢ dates à l’automne 2026 à la Comédie de Clermont-Ferrand

 

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