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L’édition 2024 de Tours d’horizons s’ouvre sur une invitation au voyage... dans le temps. Thomas Lebrun y dévoile 1998, date-clé qui renvoie à l’année où Bernard Glandier, l’un de ses maîtres, lui transmet Pouce !, solo créé quatre ans plus tôt. Par là même, le chorégraphe atteint de la maladie de Charcot lui confiait la mission de transmettre la pièce à son tour, lorsqu’il ne serait plus en mesure de la danser. Et Thomas Lebrun de tenir parole à double titre, en initiant non pas un mais deux interprètes, José Meireles et Hugues Rondepierre, à ce solo trentenaire qu’il place en tête de son nouveau quadriptyque.


Pétrie de l’héritage de Dominique Bagouet, la chorégraphie déploie une gestuelle sobre dont la simplicité apparente fait fond sur une musicalité exigeante. L’ambiance est tamisée, déclinée de l’orangé au bleuté sur des cordes stridentes. Le soliste quadrille un rectangle de lumière telle une cage au milieu d’un plateau dépouillé. Marche ballottée, grands pliés et sauts élancés : son flux continu de gestes géométriques est cadencé par des balancements et refrains fluides. Jouant sur un équilibre de contrastes, l’écriture chorégraphique laisse chacun exprimer une sensibilité tantôt lyrique, tantôt impétueuse.


À la suite, un second solo de Bernard Glandier, Tú, solo tú, transmis à Anne-Emmanuelle Deroo par son interprète-créatrice, Montaine Chevalier. C’est cette dernière qui, sur scène pour la quatrième soirée, témoigne de son incorporation profonde de la chorégraphie au fil des années. Ses mouvements esquissés, parfois imperceptibles, jouent de poids et de mesures pour complexifier des gestes anodins. Raidi puis flexible, appesanti puis suspendu, son corps traverse des états extrêmes jusqu’à des enchaînements contre-intuitifs où bras, tronc et jambes sont désaxés et tournent chacun dans leur sens. Danse paradoxale, la technique méticuleuse s’efface derrière la délicatesse et l’élégance magnétiques de l’artiste à l’oeuvre.




"Le titre n'a pas d'importance" @ Frederic Iovino




Troisième transmission, la Noce composée par Christine Bastin en 1999, est désormais portée par José Meireles et Maxime Aubert. Dans ce duo fougueux et langoureux, les corps masculins se livrent à des enlacements fiévreux sur le lointain Hallelujah dans sa version signée Jeff Buckley. Si chaque point de contact semble précipité par un désir brûlant, les enchaînements de bras et de jambes reposent sur une chorégraphie charnelle. D’abord lutte tendre, elle vire en brusque étreinte. Les interprètes se façonnent, se choquent, s’attirent et se repoussent vers le sol, dans un pas de deux labile et sans trêve.


Le titre n’a pas d’importance conclut le programme avec un duo de son cru réunissant Anne-Emmanuelle Deroo et Montaine Chevalier. Main dans la main de bout en bout (ou presque), les deux femmes explorent avec pudeur leur lien tactile pour composer ensemble un pas de deux moelleux. Entre torsions et extensions de bras agiles, leurs silhouettes toutes de blanc vêtues se parent d’un charme onirique et tissent une complicité intergénérationnelle. Si les trois premières pièces de 1998 ont fait peau neuve, la quatrième promet de maturer avec le temps. Entre transmission, appropriation et actualisation, ce programme chargé d’histoires fait vibrer la scène du CCNT.


1998 de Thomas Lebrun, en tournée en 2025


--> Le festival Tours d’Horizons se poursuit jusqu’au 15 juin au Centre chorégraphique national de Tours

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