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En 2021 aux Hivernales à Avignon, on découvrait La Passion d’Andrea 2. Une pièce pour trois gaillards à l’accent british, en perruques blonde et petit shorts, qui nous embarquaient dans une comédie d’espionnage absurde, drôle, déroutante. Au programme de cette première édition post-Covid du festival, cette pièce qui rit de l’angoisse de la mort tombait à point nommé. Derrière cette fantaisie : Simone Mousset, chorégraphe encore inconnue en France. Issue du cru luxembourgeois où l’on compte les chorégraphes sur les doigts d’une main, cette jeune femme à la patte décalée s’affirme aujourd’hui sur la scène européenne.


Parmi ses faits d’armes, troller ses compatriotes en inventant une danse folklorique nationale : « Un centre culturel luxembourgeois m’a commandé une pièce sur les danses de ce pays, qui sont à vrai dire très ennuyeuses. Je me suis alors inspirée de la force de propagande inhérente à ces traditions dans d'autres pays pour inventer le "ballet national folklorique du Luxembourg" », détaille la jeune femme à la crinière châtain. Dans un faux documentaire-ballet intitulé BAL (2017) et une fausse exposition qui l’accompagne, elle raconte l’histoire rocambolesque de cette compagnie tombée dans l’oubli, à coups de montages et d’archives fabriquées par ses soins : « Ce projet a été reçu comme une grande découverte historique, se souvient-elle, amusée. Les journaux m’ont contactée, j’ai dû annoncer officiellement que c’était faux, puis expliquer qu’il s’agissait d’une réflexion sur l’héritage national et les fake news. » La pièce lui a tout de même valu le prix de la danse luxembourgeoise.


Pourtant les danses folkloriques n’ont rien d’une blague pour Simone Mousset. Elles ont même une place toute particulière dans le cœur de cette férue de culture slave. En témoigne la quantité de stages qu’elle a suivi au sein de compagnies russes et ukrainiennes, dont le Virsky Ukrainian National Folk Dance Ensemble. Mais c’est avant tout un sentiment de doute qui anime ses pièces. « The Passion of Andrea 2 et Empire of a faun imaginary ont comme point de départ ma relation avec l'incertitude. Elles émergent de mon incapacité à être au clair avec mes opinions, à me considérer assez politique et engagée. Je voulais créer une atmosphère qui capture le fait de se sentir débordé par les urgences qui nous entourent, mais sans émettre d'opinion », explique la chorégraphe. Dans The Passion of Andrea 2, elle mettait en scène cette confusion dans un amusant jeu participatif, où des équipes de spectateurs doivent “protéger” un des interprètes de ce trio pris d’une haine meurtrière en pleine chorégraphie. Malaise, assassinats et répétition deviennent alors sujet à rire.


Avec Empire of a faun imaginary (2023), la fantaisie jaillit de paysages acidulés dans lesquels se rencontrent SF et préhistoire. Parmi de gros rochers roses en mousse, les quatre faunes font des vocalises et prennent la pose en justaucorps de lycra ou collants à poils. Mais ce tableau s’effondrera dans le chaos. Sous ses airs naïfs, la pièce se fait l’exutoire d’une angoisse latente : « Il y a quelque chose d'intangible, d’incompréhensible dans la danse. Travailler ce médium est un moyen de me mettre en relation avec ce que je ne peux pas comprendre : la mort et la fin de toutes choses », ajoute-t-elle. Un talent pour faire émerger les peurs universelles de fin du monde dans un écrin d'humour et de douceur.


> Empire of a faun imaginary, le 6 juin à l’Atelier de Paris dans le cadre de June Events

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