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Dans Be Arielle F (2020), Simon Senn se jetait à corps perdu dans une expérimentation virtuelle sur son identité d’artiste et d’homme : fasciné par l’avatar féminin qu’il s’était choisi dans un métavers, il remontait jusqu’à celle qui a servi de modèle à ce corps de pixels, une étudiante britannique. Loufoque et obstiné, le performeur suisse entamait là une forme de recherche-action qu’il poursuit aujourd’hui en poussant une intelligence artificielle dans ses retranchements – les siens, pas ceux de la machine. Avec l’aide d’une développeuse (Tamara Leites), il a nourri le fameux simulateur ChatGPT de ses données personnelles dans le but de générer son jumeau numérique (et maléfique ?) : DSimon, star de la soirée.


Façon TedX version Frankenstein, Simon Senn et Tamara Leites nous présentent donc leur monstre : instruit de tout un corpus de textes et de la correspondance en ligne de l’artiste, DSimon a donc une personnalité. La scientifique nous détaille même comment l’IA est entraînée et propose au public de converser avec elle. L’échange est volontiers perturbant : la machine affirmera d’une spectatrice qu’elle est « intelligente, atteinte d’autisme, qu’elle parle japonais et joue aux jeux vidéo. » La machine serait-elle médium ? Nous n’en saurons rien.


Le spectacle expose donc les coulisses de l’expérience tout en tirant les ficelles d’une réflexion sur celle-ci. DSimon a des comportements haineux, étudie le bouddhisme, rédige un pitch de projet artistique et s’entretient avec le double en IA d’Elon Musk. Il en vient même à « voler la vedette » du performeur (qui se dira jaloux) tant sa présence immatérielle domine la situation. De la démonstration jaillit immanquablement des questions sur la volonté humaine ou une éventuelle autonomie de l’IA. Mais la densité de l’expérience excède radicalement cette forme scénique très prudente – un bureau, un laptop et deux écrans affichant les réactions de la bête. L’ego-trip numérique a de quoi charmer conceptuellement mais sa « mise en performance » ne fonctionne qu’à moitié. Le support « conférence » frustre les attentes que suscite le projet et peine même à le mettre en valeur. Derrière tout cela, un constat peut-être rassurant malgré tout : les IA ne sont pas encore assez créatives pour penser entièrement une pièce de théâtre.



DSimon de Simon Sennn :

⇢ le 27 mars au TUNantes dans le cadre du festival IDÉAL

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