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De Rocío Molina, on a souvent écrit qu’elle était l’enfant terrible du flamenco, qu’elle ne cessait de repousser les limites de cet art, et d’en transgresser les règles – se moquant bien de ceux qui rêvent d’une tradition « pure », transmise à l’identique de génération en génération. Peut-être a-t-elle surtout, plus que personne, participé à inscrire le flamenco sur la carte de l’art contemporain, en le faisant dialoguer avec d’autres disciplines – comme la peinture dans Caída del Cielo – et en abordant des sujets jusque-là inexplorés – comme la maternité dans Grito Pelao.


Le retour aux sources qu’elle initie avec sa Trilogie pour guitares advient donc comme une nouvelle surprise dans un parcours qui n’en était pas avare. De ses trois « enquêtes sur la guitare comme élément essentiel du flamenco », la seconde, Al Fondo Riela, est peut-être la plus sombre et la plus métaphysique. Dans un univers aussi noir qu’une marée de mazout, alors que le guitariste Eduardo Trassierra a déjà entamé ses accords nostalgiques, l’entrée en scène de la flamenca a tout d’une apparition. À mesure que, de ses mains uniquement, elle se met à danser, l’image se précise. Lointaine comme une ombre chinoise ou toute de rage affirmée, Rocío Molina entre en dialogue avec l’harmonie de la première guitare et le jeu plus intuitif de la seconde - tenue par Yerai Cortés -  y allant tantôt à  l’unisson, tantôt du contrepoint. Se faisant, elle tire le flamenco très loin, dans une forme d’abstraction qui irradie la pénombre.


Rocío Molina dit charrier dans ce spectacle tous les fantômes de son passé. Peut-être se matérialisent-ils dans les films abstraits d’Antonio Serrano, ramenant l’imaginaire des profondeurs océaniques ou d’un brouillard trop opaque pour voir à travers ? Peut-être se glissent-ils sous les plis de sa longue robe, dont elle s’amuse dans des angles qui tranchent l’espace scénique comme au couteau ? Mais ce n’est pas la transmutation la plus extraordinaire à laquelle on assiste : sous nos yeux, une danseuse s’est faite musique. En lui prêtant son corps, elle nous rend sensible ce qu’être « habité » peut aussi signifier d’engagement et de beauté.



> Al Fondo Riela (Lo otro del uno) de Rocío Molina, a été présenté les 16 et 17 novembre à la Maison de la danse, Lyon ; il sera présenté les 12 et 13 janvier à Espaces Pluriels, Pau, en partenariat avec Le Parvis, Tarbes ; du 28 février au 3 mars à Bonlieu

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