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« Le monde qu’on m’a raconté enfant croyait absolument en l’avenir » écrit Aurélien Bellanger dans Eurodance. Des mots qui ont résonné chez Némo Flouret lors de la création de 900 Something Days Spent in the XXth Century. Nés entre la chute du mur de Berlin et celle du World Trade Center, le chorégraphe et ses interprètes s’identifient parfaitement à la crise des utopies que pointe l’auteur. Ces vingtenaires et trentenaires ont en commun de se trouver à cheval entre un XXe siècle d'horreur – mais aussi d’humanisme, de progrès et d’espoir dans le futur – et un XXIe qui annonce déjà le pire. 



C’est cet imaginaire schizophrène qui habite 900 days, chorégraphie ambulante déployée sur plusieurs espaces. Exit la boîte noire, la pièce prend place dans un décor iconique des temps modernes : les vestiges du monde industriel, l’espace brut d’une ancienne usine, avec ses poutres d’acier et ses murs de béton. Un danseur s’y avance, seul. Il entame une série de mouvements : secs, rapides, parfois lancinants. Il semble répéter une partition individuelle, comme un ADN, à lui seul. D’autres le rejoignent, jusqu’à constituer une troupe de dix – un casting d’une rare densité pour un chorégraphe encore émergent. 


Mais s’il n’est pas encore confirmé, cet ancien étudiant de P.A.R.T.S, institution de la danse contemporaine, a déjà développé son esthétique. Et celle-ci est pour le moins familière : les vestiges d’une fête, de l’électro triturée, un décor post-industriel, des débris de bande magnétique et une jeunesse désemparée. Ces mouvements saccadés, ces corps poussés à bout, tendent tous vers un brouillage des repères et une perte de contrôle. Bien sûr, ces codes dans l’air du temps ne surprendront pas les initiés. Mais de ce point de départ familier surgit quelque chose d’étonnant : une composition fine et émouvante, pointant dans les fumigènes.



© DR



Au milieu des mouvements isolés, une dynamique collective se révèle : les corps s’agencent, les ADN interagissent, l'un en activant un autre. Mais ici, pas question de s’accrocher aux repères de la musique : ce sont les interprètes eux-mêmes qui se guident par l'observation, l'écoute, le regard. Ce qui pourrait passer pour de l'amateurisme — des danseurs qui s'attendent et se surveillent du coin de l'œil — est en réalité un exercice d'interdépendance à l'intérieur de la composition. Visuellement, c'est efficace. Émotionnellement, ça suit.


Côté écriture, l’héritage XXe siècle se lit partout : certains états de corps portent l’influence d’Anne Teresa de Keersmaeker et l’agencement des phrases rappelle Merce Cunningham. Mais la pièce s’en détache en créant, à partir de l’attention émouvante qu’ont les danseurs les uns pour les autres, un espace où à l’urgence du monde répondent le soin, l’écoute et la confiance. Le pari est grand, probable qu’il paraîtra politiquement candide à certains, et pourtant quelque chose a lieu. Pour lancer plus loin cet appel, treize interprètes composeront la distribution lors de son passage à la Villette, à Paris. 900 days entend alors dépasser son point de départ générationnel : renouveler le sens du collectif, et nous raconter un avenir enviable. 



900 Something Days Spent in the XXth Century de Némo Flouret, du 17 au 22 décembre à la Villette, Paris

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