Le titre de votre prochain spectacle avec l’Ensemble intercontemporain est Partition inconnue n°1. Quelle place l’improvisation tient dans cette nouvelle création ?
Je pourrais très facilement répondre qu’en tant que danseuse et chorégraphe issue du mouvement krump : j'improvise tout le temps. Mais quand on s’intéresse à la définition de l’improvisation – un mouvement spontané, non préparé et non écrit – on réalise que ce n’est pas exactement ce que je fais. Au cœur de la pratique du krump, il y a le lab, c’est-à-dire le laboratoire. On y travaille nos bases de façon obsessive, notre rapport au sol, sans cesse, tous les jours. Depuis quasiment 15 ans, j’ai cette méthodologie en référence pour inventer mon propre langage. Donc ma pratique est celle de l’improvisation mais c’est aussi une pratique de la répétition, c’est le lab qui permet de pouvoir avoir accès à une certaine instinctivité. Depuis quelques années, je cherche à me déplacer, à explorer d’autres espaces que celui de l'impro. Ça restera toujours mon outil mais j’ai envie d’aller vers ce qui me semble difficile : c’est-à-dire apprendre une chorégraphie, devoir bouger mon corps en suivant des règles prédéterminées, c'est un enfer pour moi. C’est l’un des défis de ma rencontre avec le violoncelliste Eric-Maria Couturier et le clarinettiste Martin Adamek : inventer à partir d’une partition.
Elles disent, votre première pièce de groupe fut imaginée en collaboration étroite avec les danseuses. Comment s’est déroulée la collaboration avec les deux instrumentistes ?
Dans ce même élan vers de nouveaux territoires, je suis appelée par la musique live. Lorsque que la Philharmonie me propose d’imaginer une pièce avec quelques musiciens de l'ensemble intercontemporain, j’ai répondu oui avec grand plaisir. Le temps alloué aux répétitions est très resserré mais les deux musiciens sont géniaux, ils ont accepté de danser avec moi, ce qui est précieux. Je suis venue à Paris avec un petit groupe d'acolytes danseurs, et pendant deux jours on s’est immergé avec eux dans un studio. L’idée, c’est de partager sans se dénaturer, sans s’annuler. Qu’on soit à Porte de Montreuil sur le toit du Décathlon ou à dans une salle de concert à Pantin, ce que l’on fait participe au patrimoine de la danse.
Avant la musique contemporaine, vous aviez déjà exploré le butō et le flamenco. D’où vient ce besoin d’hybrider votre pratique ?
Danser c’est entrer en conversation, dans cette optique je cherche à rencontrer d’autres publics, à trouver de nouveaux interlocuteurs, tout simplement. Parfois, j’aime penser que c’est avant tout au public de s’hybrider. À la Philharmonie, il faudrait que différents types de public puissent avoir accès aux spectacles. Il faudrait que le public soit composé de krumpers, d’instrumentistes, de gens en marge et d’autres plus privilégiés. Je crois fermement à la créativité dans le chaos, c'est la définition de l'érotisme par Audre Lorde. Je reviens de 3 mois aux États-Unis. À Los Angeles j'ai fait des heels, je me suis mis des talons aiguilles au pied et j'ai expérimenté une toute autre corporalité. À San Francisco, je suis allé pratiquer de la danse classique pour la première fois chez Alonzo King. J’ai senti qu’il y avait d’autres manière d’être puissante et j’ai compris qu’il n'y avait pas qu’une seule manière de trouver sa vérité. Là-bas, tout le monde est génial, les rappeurs, les chanteurs de gospel, les danseurs. Les Etats-Unis vivent une violence inimaginable et c’est pour ça qu’il donne naissance à autant de génies.
Partition improvisée N°1 de Nach et solistes de L’Ensemble Intercontemporain,
⇢ le 22 mars à la Philharmonie de Paris, dans le cadre du week-end Face à Face
Nulle part est un endroit :
⇢ le 25 mars à la Maison de la musique de Nanterre
⇢ le 27 mars à La Courneuve
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