Dans quelle fête a-t-on atterri ? Le sol semble tapissé d’éclats de roches noires. Une multitude de boules à facettes en émerge, leurs rondeurs argentées, semi-enterrées, et de diamètres variables, sont comme des planètes écrasées. Sur le côté, platines et table de mixage sont installées. Arrive-t-on trop tard, trop tôt, ou pile à l’heure pour le rituel ? La scénographie signée Nadia Lauro nous plonge dans une ambivalence de temps et de qualité de paysage qui hantera toute la pièce. Trois guerrières en genouillères, vêtues de textures noires, apparaissent : voilà les Glitch Witches. Elles abaissent des visières irisées sur leurs yeux, le geste convoque aussi bien des casques de VR qu’un imaginaire résolument SF. Elles évoluent avec lenteur et précaution, à grandes enjambées, comme soumises à une modification atmosphérique, et s’en amusent. La bande son signée Mieko Suzuki se veut stellaire, raccord avec l’environnement rétro-futuriste. Est-ce un club d’après la fin des temps ?
Entre les trois artistes s’installe un troc de matières sonores, dansées, composées, parlées. Juchées chacune sur une sphère argentée, elles tentent un unisson, jouent à un jeu de mains chorégraphique qui rappelle les techniques du soin, puis reprennent leur autonomie pour graviter dans leur propre danse, en orbite. L’objectif : évoluer pour soi-même mais s’accorder en trio. Mieko Suzuki, lutin punk et vive, bondit avec élasticité entre platines et centre du plateau. La présence posée et irradiante de la danseuse Omagbitse Omagbemi ramène le calme et Meg Stuart centre le tout par sa qualité d’improvisatrice. Les glitches mentionnés dans le titre apparaissent dans les textures de la musique, parfois aussi dans les corps. Les murmures se font mots, la chorégraphie se fait cartoon, lors d’une scène où tout défile rapidement sur leurs visages : expressions, gestes quotidiens ou dansés, variations de regards, comme si elles scrollaient dans leur catalogue de possibles.
Sur une autre séquence, le trio bavarde devant une pile de vêtements : ça commente les styles, donne des conseils, blague, « je portais celle-là à quinze ans ». Les couches s’accumulent mais le ton reste fin. Puis le temps se dilue : nous voilà lâché·e·s dans une galaxie où l’écriture chorégraphique se trouble, perd en lisibilité. À quel acte de la fête en sommes-nous ? On s’y perd. Nos sorcières modernes sont maîtresses de leur espace de jeu : les voilà jetant des sorts, défaisant des malédictions. Elles relancent la fête quand elles l’entendent. Alors qu’importe que Glitch Witch connaisse des flottements – assumés. Ce sabbat futuriste possède un suc dramaturgique bien à lui, lâchez prise et vous pourriez y goûter.
Glitch Witch de Meg Stuart a été présenté au Théâtre Garonne, Toulouse
⇢ du 4 au 6 décembre à la Raffinerie – Charleroi Danse, Bruxelles (Belgique)
⇢ du 19 au 21 décembre à Viernulvier, Gand (Belgique)
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