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« J’aime Cécile, c’est mon amie, et je voulais la présenter au plus grand nombre. » Parfois, il n’en faut pas plus pour créer un spectacle. Marion Duval, ça lui a suffi. Elles entrent sur scène main dans la main, lors d’un préambule confus, entre rires et regards complices, de « ah j’ai oublié de vous dire » et de « bon, on y va ». Le ton est donné. La scène est presque vide, une chaise et un écran blanc. Dès qu’elle s’assoie, Cécile occupe tout l’espace. On sait déjà que la pièce, c’est elle, c’est dans le titre. Elle raconte ses jobs, ses amis et ses péripéties. C’est vrai qu’il y en a des trucs à dire, Cécile a eu mille vies. Clown pour les enfants malades à l’hôpital, actrice-porno-activiste pour sauver les forêts, militante dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la liste est longue. 


Les lumières de la salle restent allumées tout du long. Cécile cherche nos regards, attend nos rires et s’en nourrit. Par moments, c’est chaleureux comme une discussion entre amis. Mais c’est surtout un joyeux bordel. Vous n’entendez rien ? Criez-lui de parler plus fort. Vous vous ennuyez ? Sortez donc faire un tour, mais ramenez-lui une bière au passage. Mis à part deux-trois « moments de théâtre tant attendus » — affrontement entre CRS et militants écolo, light show sur la bande son d’Avengers, partouze avec poupées désarticulées, ou tournage de film porno — la pièce se donne des allures d’improvisation. Elle garde l’illusion du flottement touchant des premières représentations. Cécile cherche ses mots, ne les trouve pas toujours, s’en fout complètement, fait sa sauce tous les soirs. Elle profite de la scène et de l’audience pour parler du génocide en Palestine, des manques de moyens dans les hôpitaux, de la répression militaire constante des ZAD. Par moments, la transition blague-sérieux se perd en route. Quand elle aborde son internement en hôpital psy, les rires du public se brisent contre son visage ému. Son regard interroge, elle écourte le sujet, vexée – gêne dans la salle. C’est de sa vie qu’on se moque. Mais entre l’ego-trip et le je-m’en-foutisme, on a parfois du mal à trouver notre place. 


À l’image de son égérie, la pièce ne connaît pas l’entre-deux. Les longueurs frôlent la lourdeur. Pas le temps de s’en remettre, ils sont tout de suite suivis par des scènes d’euphorie – et les esclaffements de la dramaturge en régie. Elle nous parle d’un job d’été puis se jette dans la foule en costume de clown, façon rockstar. Elle raconte une baignade dans l’Étang de Thau puis invite tout le public à danser sur scène – sur Only You de Steve Monite, ressenti 45 degrés de fin de soirée. Après 3h30 de show, on sort épuisé, avec le sentiment d’avoir vécu quatre pièces en même temps. « Vous me balancez l’after pour ce soir ? » nous crie Cécile, jamais rassasiée.



Cécile de Marion Duval a été présenté du 9 au 19 octobre dans le cadre du Festival d'Automne au Théâtre de la Bastille, Paris


du 5 au 7 novembre au Lieu Unique, Nantes

du 14 au 15 novembre au Quai, Angers

du 22 janvier au 1er février au TNS, Strasbourg 

du 14 au 15 mars au Théâtre National Wallonie-Bruxelles

du 2 au 5 avril à la Comédie, Genève

du 16 au 17 avril aux 2 Scènes, Besançon

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