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Des panneaux miroirs dressés à la verticale scandent le fond de scène. Neuf interprètes en surgissent tour à tour le temps d’effectuer une action, une poignée de secondes, puis disparaissent à nouveau. Comme sur un banc de montage, les vignettes de gestes s’enchaînent, soutenues par les basses grondantes de Denis Mariotte qui fait courir un fil blanc sur trois guitares posées en avant-scène. Ajoutant au vacarme, des ventilateurs planqués en coulisses soufflent un vent qui fait trembler sur leurs appuis danseur.ses, objets et miroirs, nous renvoyant nos reflets déformés, brouillés.

Le défilé s’égrène et les images se juxtaposent dans le corps des interprètes. Un baiser échangé, le maniement d’une kalachnikov, une gifle, la dégustation d’un yaourt, une carcasse de viande portée sur l’épaule, un défilé de robes de bal soyeuses façon Pina Bausch. En 2024, la mécanique d’Umwelt renvoie immanquablement au doom scroll contemporain. Ce seul et même mouvement du pouce, répété sur l’écran de nos téléphones pour y faire défiler des images à l’infini, provoquant dans nos imaginaires la collision entre un tuto maquillage, deux pubs et les images horrifiques des guerres en cours.

 


© Herve Deroo



Si Umwelt signifie le « milieu » – au sens de l’environnement dans lequel nous vivons –, la (re)voir aujourd’hui, c’est aussi saisir la pièce enrobée des milliers de pages des rapports du GIEC et des dernières parutions en sciences humaines sur la nature – ou de celles, plus anciennes, du biologiste allemand Jakob Von Uexküll qui a inspiré la chorégraphe. La pièce nous renvoie tout cela dans ses inquiétants reflets. Maguy Marin sonne l’alerte en chorégraphiant des actions de la vie quotidienne dans lesquelles se juxtaposent violence et banalité, tandis que la catastrophe hurle aux oreilles des vivant.e.s qui ne semblent pas l’entendre. À nous alors de nous débrouiller depuis nos fauteuils se spectateurs. Quelle est notre place dans cette cadence ? Comment rompre par un geste la chaîne des événements ? Que faire de notre conscience à l’heure où le voile de l’apocalypse se lève devant nous ?

 

En 2004, Umwelt marquait le début d’un nouveau cycle d’écriture pour la chorégraphe qui découpait dès lors la danse et le temps en vignettes mathématiques taillées au cordeau. Peu de pièces signées depuis dans la série partagent la puissance de cette œuvre qui condense l’essentiel d’une position politique en un défilé d’images.

 

 

Umwelt de Maguy Marin a été présenté les 24 et 25 janvier à l’Opéra de Lille

 du 15 au 17 mai à la MC93, Bobigny

 

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