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Queue entre les jambes, seins à l’air, les deux centaures transgenres d’Irma Brasil glissent sur l’air à l’Arsenic, repère lausannois des avant-gardes vivantes. Iels tiennent en joue leur public sagement assis au sol et multiplient de fugaces incarnations. Rodéo équestre, clowns lubriques, martyrs christiques, sirènes trash : leur pantomime est bestial et leur aura à elle seule fait spectacle. Leurs parties génitales à hauteur d’yeux, les Eunucos (du nom de leur court spectacle) flirtent sans filtre avec les mecs cis-genres du premiers rangs – et ça balise gentiment. Derrière aussi, on en mène pas large, de crainte d’interactions trop frontales. Mais les créatures brésiliennes nous charrient avec bienveillance : en quinze minute d’apparition magnétique, tout le monde les a adopté.es. 

 

Ce type de petit miracle ne jaillit pas à chaque proposition des Urbaines, mais toutes valent d’être tentées. Sur un week-end complet, la manifestation suisse enchaîne performances et concerts sous des noms rudement inconnus, le tout gratuitement dans plusieurs points de la ville. Inédit en France, le format draine un public majoritairement jeune, rare dans nos institutions culturelles françaises, et croise toutes les disciplines et les sensibilités – au risque d’une offre inégale, mais c’est le jeu. Un moment, on se retrouve face à la présence révulsée d’Alina Arshi, figée la gueule grande ouverte et baveuse, arpentant une scénographie pourtant zen et apprêtée. Le suivant, on suit les hoaxs de la fausse conférencière Morgane Baffier, sorte de Stéphanie Aflalo de la génération Z, pour le fun des complots loufoques à l’ère de la tyrannie de l’info. Selon elle, les M&Ms vont rendre la planète gay – prouvez-nous le contraire. Pendant ce temps, dans un autre spot en ville, une performeuse aurait traumatisé son monde, nous relaie-t-on : dans l’immaculé Espace Arlaud, Melissa Biondo a mangé ses excréments puis tancé son audience. On ne peut pas être partout. 

 

© Margot Sparkes


Mais le vrai cœur des Urbaines bat en marge des théâtres et des lubies d’étudiant en art dramatique. On le trouve dans le volet musical de la prog, où se croisent arts sonores DIY et clubbing-boxon une fois minuit passé. On y trouve, en pleine après-midi, tandis qu’il neige au dehors, le jeune sorcier du field recording Paul Ebhart sondant le végétal et ses fantômes au Temple de Chavannes, petit lieu de culte excentré. En pleine exaltation ésotérique, un pied dans le hacking et l’autre dans l’heroic fantasy, l’Autrichien plugge ses micros dans des branches d’arbre à la recherche du « tuning of the world » – et sur le moment, on veut bien croire qu’il le trouvera. Bien plus tard, c’est au Bourg qu’on s’abandonne. Velours, parquet grinçant et tapisseries d’antan, le chaleureux club (qui rappelle la Ruche, ancienne gloire de l’encanaillement lausannois) voit défiler le hiphop destructuré le plus nonchalant (les Suisses Xol4ni), le très sportif duo de percus électro argentin Remiseria Temperley, et les bangers aux coutures invisibles de la Marseillaise Gombaxx. Le tout en accès libre, sans débourser un CHF. Pendant ce temps en France, booker un DJ pour la forme entre 23h et 1h reste le comble de la teuf dans les festivals d’arts vivants. Qui dit mieux ? 



Les Urbaines, du 1 au 3 décembre à Lausanne et environs.

L’exposition collective :

du 1er au 10 décembre à l’Ex-Cinéma Eldorado 

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