Drôles de Sisyphe que ces deux marathoniennes bras-dessus bras-dessous avec leurs godasses montantes, leurs shorts en toile d’atelier et leur pas vigoureux. Au milieu de la scène circulaire, elles foncent tout en avant, attaquant indéfiniment leur même tour de piste comme si elles avaient signé pour l’Everest. Quoique le massif auquel elles s’attaquent n’est peut-être pas moins grand. Dans la boucle interminable, des inclinaisons de corps d’abord discrets laissent émerger des mouvements d’âme : une tête lourde vient se reposer sur l’épaule de la voisine, toute la courbure du dos suit bientôt. Dans les variations délicates d’un simple jeu de lumières chaudes, la marche ininterrompue de Liam Lelarge et Kim Marro traverse les monts et vallées de l’existence, ravins de déprime et plaines de douceur.
À l’école du CNAC où elles se sont rencontrées, Kim Marro s’est formée à la roue Cyr, Liam Lelarge au trapèze fixe. Diplôme en poche, elles investissent pour La Boule le porté acrobatique dans un duo strictement structuré autour du partage physique des masses. Avec un répertoire inédit de figures aux noms fantaisistes – la guêpe, le string, le bitchboul, le lapiboul et bien sûr le tendre caliboul –, le binôme expérimente un impressionnant panel de possibilités acrobatiques toujours tenues par deux principes absolus : se soutenir mutuellement de toutes les façons possibles, continuer à avancer coûte-que-coûte et quel que soit le rythme. Difficile d'imaginer une meilleure éthique de la relation.
À l’extrême sobriété du dispositif scénographique répond une étonnante amplitude d’exploration technique à haut potentiel évocateur : y défilent des portés solidaires où l’une assure la marche et l’autre l’accrochage ; des portés égoïstes où tout le poids d’un corps mou s'abandonne à la charge de l’autre ; les portés belliqueux encore, mauvaises têtes et pelote de membres entravés. En quelque quarante minutes d’une forme à l’imperfection assumée, les deux jeunes circassiennes démontrent leur originalité technique autant que la finesse du regard qu’elles portent sur les relations humaines.
> La Boule de Liam Lelarge et Kim Marro a été présenté le 9 mars au Théâtre des Miroirs, Cherbourg, en partenariat avec La Brèche et dans le cadre du festival SPRING ; du 17 au 20 mai au Leu Tempo Festival, Saint-Leu ; le 28 mai à la MJC Ménival, Lyon, dans le cadre du festival Utopistes ; du 8 au 10 juin à AY-ROOP, Rennes ; du 28 au 30 juillet à Montréal, dans le cadre des Rencontres de Monthelon ; les 10 et 11 août à Crans-Montana, Suisse, dans le cadre du festival Cirque au Sommet ; les 18 et 19 août au Sirque, Nexon, dans le cadre du festival Multi-Pistes ; le 22 août à La Métive, Ahun, en partenariat avec Le Sirque ; les 25 et 26 août à Biscarrosse, dans le cadre du festival Rue des étoiles
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