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Vidé de ses élèves pour l’été, le Lycée Saint-Joseph prend des allures de galeries d’art. Dans les couloirs, sont exposés des vases en céramique – certains dotés d’un mécanisme qui les fait sonner à intervalles réguliers –, chacun sous la surveillance d’un des membres de Baro d’evel, vêtus de noir  ; dans la cour, des jarres sur le même moule sont alignées de part et d’autre d’une imposante masse informe recouverte de rubans sombres. Ce décor énigmatique, dont on devine le substrat symbolique, inaugure le premier volet d’un triptyque à venir, par la question Qui som ? (« Qui sommes-nous ? »). À la croisée du cirque, du théâtre, du chant et de la danse, la compagnie franco-catalane interroge ce que nous sommes, à grand renfort d’humour et de métaphores. 


Et tout commence par un pot cassé. Feignant maladresse sur maladresse, Blaï Mateu Trias – co‑fondateur de Baro d’evel – tente de façonner une nouvelle amphore qui prend une forme phallique. À cette entrée en matière bouffonne succède un air d’opéra non moins clownesque, chanté tant bien que mal par Camille Decourtye – co-fondatrice de la compagnie – dans une mare de liquide blanc où les douze artistes glissent et s’entrainent les uns les autres dans leurs chutes.



Traversée artistico-comique


Du calembour visuel à la satire rhétorique, les comédiens-acrobates-danseurs-chanteurs de Baro d’evel enchaînent les saynètes drolatiques. Déambulant l’air hagard, coiffés de pots d’argile façon heaume ou bonnet phrygien, ils et elles se retrouvent littéralement empotés. Leurs traits d’esprits visent encore plus explicitement l’art oratoire : un discours en anglais baragouiné masque sa vacuité derrière trois mots-clés et un ton galvanisant. Entre ces numéros d’humour léger, la danse se glisse dans les intermèdes, mêlant zapateado et acrobaties sur la voix de Yolanda Sey, ou musique baroque et solo de hip-hop porté par Marti Soler. 


Dans cette traversée artistico-comique, les interprètes plantent des situations efficaces pour semer quelques réflexions sur l’identité et l’altérité. Du comédien pris pour le Père Noël à cause de sa barbe chenue au trio de circassiennes sur talons aiguilles d’une souplesse inélégante : chacun et chacune s’illustre selon ses habiletés pour trouver sa place dans le groupe avec une énergie à bloc – parfois un peu surdosée.


Mais pour Baro d’evel, le rire, c’est aussi du sérieux. Ainsi, l’étrange masse magmatique se dresse sur scène en un immense tapis à franges couleur pétrole. Dans son mouvement de flux et reflux hypnotique, elle charrie corps inertes et bouteilles en plastique vides, qui forment bientôt une véritable marée de déchets crépitants, d’où les interprètes réémergent à grand peine telle une tribulation en détresse. Si le propos écologique sous-jacent renvoie à un motif certes rebattu, il est ici abordé avec une grande fraîcheur esthétique. Fresque poétique aux résonnances politiques, Qui som ? repose sur une question d’équilibre – un art dans lequel la compagnie Baro d’evel est passé maîtresse. 


Qui som ? de Baro d’evel, jusqu’au 14 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon


⇢ du 13 au 15 novembre, Tandem Scène nationale d’Arras-Douai

⇢ du 2 au 15 décembre, Théâtre de la Cité CDN, Toulouse 

⇢ du 24 janvier au 1er février, MC93, Bobigny 

⇢ du 18 au 22 février à la Comédie de Genève, Suisse

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