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L’enquête de Salim Djaferi est partie d’une question toute bête, posée à sa mère : comment dit-on « colonisation » en arabe ? Mais ce qui n’était qu’une curiosité de vocabulaire a levé le voile sur une béance de la mémoire collective. En arabe, il y a au moins quatre termes différents pour traduire le mot français. Jamais strictement synonymes, chacune des traductions porte en elle la mémoire de ceux qui l’ont façonnée, imposée ou empêchée.


Sur un plateau d’un blanc immaculé, Salim Djaferi, seul en scène, remonte le fil de son investigation, entre récit intime et enquête historique. À grand renfort de palettes en polyester et d’anecdotes tirées de ses échanges avec les amis, la famille, et des libraires de Bruxelles et d’Alger, le metteur en scène et comédien matérialise sous nos yeux ce qui distingue une colonisation qui « ordonne », de celle qui « dépossède » ou « exclut de chez soi ». Par le recours minimal à quelques objets du quotidien, la boîte blanche devient une focale imparable pointée sur la lutte pour l’Indépendance algérienne. À rebours des maigres mentions qui en sont faites dans les manuels d’Histoire français, la « Guerre » d’Algérie se rappelle révolution lorsqu’elle est décrite par celles et ceux qui l’ont vécue.


Depuis la francisation expéditive des patronymes algériens par l’administration coloniale, jusqu’à la « réintégration » de la nationalité française par sa propre mère, Salim Djaferi use de la scène pour rendre hommage aux individus dont la trajectoire individuelle et familiale a été conditionnée par les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie. Entre le reportage et le document d’archives, Koulounisation rabiboche doucement les pans de l’histoire manquante avec assez d’éléments de contexte pour inclure les concernés comme celleux pour qui cette partie de l’histoire reste floue.


À la manière d’une conférence gesticulée, presque un TEDx, la voix claire et posée de Salim Djaferi maintient jusqu’au bout la tension entre une forme douce et épurée, et la violence des faits relatés. Au lieu de scènes spectaculaires et de coups d’éclats, la mise en scène joue des symboles pour créer des images d’autant plus fortes qu’elles se composent directement dans l’esprit des spectateurs. À l’image de cette traînée rouge sang, laissée par une éponge venue illustrer la colonisation, dans le sens cette fois de « se faire disparaître ».


> Koulounisation de Salim Djaferi, du 7 au 9 septembre au Grütli, Genève ; du 29 mars au 12 mai au Théâtre Bastille, Paris 

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