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Sous forme de podcast, documentaire, ou roman à quatre mains, une même urgence presse les millenials : faire trace de la mémoire des anciens, archive d’un monde passé et clef présumée d’une identité en questionnement. Rattrapée par le déclin inévitable de la matriarche paternelle, Julia Perazzini a choisi de braquer l’ultime secret, l’identité jamais révélée du grand-père italien. Et pour la comédienne-metteure en scène, ça se passera donc sur le plateau. À partir d’une page vierge, un plateau immaculé et désert, la voilà seule en scène déballant une quantité de petits sacs à main du siècle dernier. Bientôt, c’est une assemblée fournie de cabas, bandoulières et minaudières en simili vernis qui se tiennent droits face à nous, forts du secret qu’ils renferment. Certains forment un attroupement, d’autres surveillent la scène avec distance. Quoi de mieux que cet héritage inattendu pour entamer l’enquête et vider son sac ?


Dans ce jeu de rôle tendre et délicat, un simple manteau de fourrure et un revers de main transforme la jeune interprète élancée en vieille dame maniérée. Un contre-jour et une chemise oversize figure un agent de brigade, tandis qu’une perruque et un peigne nous ramènent à la quiétude d’un salon de coiffure aux heures creuses. Par un travail minutieux de mimiques, de phrasé ou de postures, Julia Perazzini nous trimballe sans brusquer sur le chemin d’une histoire familiale : depuis l’appartement bourgeois de Lausanne jusqu’à un garage « de Père en fils » du XVe parisien, dans l’écurie d’un paddock de la banlieue montréalaise ou le centre-ville d’un bourg au pied des Pyrénées. En creux, le prétexte de la quête personnelle redonne corps et vie à la France des années 1960, le pragmatisme matrimonial d’après-guerre ou la coquetterie des dames du siècle dernier.


Par-delà l’intrigue, le rythme quasi hypnotique qui porte Dans ton intérieur dépasse les cloisons autobiographiques. Forte de ses silences, de ses respirations et de ses jeux de croquis, la pièce pousse les murs et se rend hospitalière aux souvenirs et aux interrogations de chacun. Derrière la fantaisie d’une collection de sacs à main, derrière le mystère d’un homme passionné de chevaux, l’épure scénographique de Dans ton intérieur nous rend à la plus commune réalité d’une existence humaine : à la fin, il ne restera rien. Rien que les gens qui nous ont connus, et qui acceptent de nous raconter encore.


 Dans ton intérieur de Julia Perazzini, du 22 au 25 janvier 2025 au Théâtre Saint-Gervais, Genève (Suisse)

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