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« Tu préfères aller en enfer avec Jésus ou au paradis avec Trump ? Plutôt bite sale ou vaisselle sale ? » Regard aguicheur, moustache à la Dali, physique massif, crâne chauve : Ivo Demchev incarne un chorégraphe tyrannique en plein casting harcelant ses futures recrues avec des questions toujours plus offensantes et intrusives. Et ce n’est qu’une des mille personnalités qu’il visitera tout le long de Begera Top 40, compilation rassemblant vingt ans de ses numéros tout support confondu : pop trash, sketchs satiriques et actions participatives borderline. Dans cette auto-célébration bordélique, il tape bas, très bas, toujours en dessous de la ceinture. Sa cible : le spectacle vivant, sur lequel il porte un regard narquois mais tendre et dont il rudoie joyeusement le public, comme ici à Impulstanz, rendez-vous viennois de la crème de la danse contemporaine. 


Dans ce concours d’obscénité et de loufoquerie, les séquences s’enchaînent sans logique apparente avec le renfort de trois autres performeurs – Ivo occupe pourtant déjà très bien l’espace à lui seul. Là un cunnilingus mimé sur une de ses acolytes, ici un sketch sur une curatrice disant avoir couché avec Jérôme Bel, Pina Bausch ou Meg Stuart. Ailleurs encore, une prestation pop où la star autoproclamée interprète son tube « Cum in the mouth, cum in the ass » (si besoin de traduction, googlez donc ça) sur une choré régressive à souhait qui aurait ses chances parmi les trends TikTok. Bref, le mec n’a pas de limite.  


© DR


Et pas de pudeur non plus, ce dont on se doutait bien, quand il s’agit d’embarquer le public en plateau. Si vous êtes tatillons sur l’éthique dans les pratiques participatives sur scène, il valait mieux rester chez vous. Ivo a néanmoins la classe de ne pas faire taffer le public gratuitement : ici le job est rémunéré cash, paiement sur scène. Danser torse nu avec un tote bag sur la tête, poster un selfie avec lui sur Instagram, mimer des claquettes à l’arrache : 20 balles de cachet. Grimpons dans la fourchette salariale : pour 500, c’est une scène de sexe non simulée à poil entre deux spectateurs – tout salaire mérite travail. Dans la salle, certains balisent à chaque étape du show, mais l’assemblée ne tarit pas de volontaires – à croire que, depuis les actionnistes dans les années 60, le cultureux viennois a le happening dans le sang. Mais, peut-on se demander, quel est lien avec la danse contemporaine, puisqu’on est en terre chorégraphique à Impulstanz ? On n’en sait rien, et ce n'est pas bien grave. Ivo Dimchev est-il un chorégraphe raté qui prend sa revanche ou un génie de la performance ? Pas sûr non plus, mais on penche pour le second. Par cette déflagration d’irrévérence et de vrai-fausse mégalomanie, ce trublion venu de l’Est force l’entrée du sérail de la danse et fout le bordel des coulisses jusqu’au plateau. Et si, d’aventure, vous êtes devenus fans : des goodies à son effigie sont en vente à la sortie. Ça commence à 9,99 euros – un chouette moyen de claquer vos recettes de ce soir, n’est-ce pas ?



Begeraz Top 40 a été présenté les 28 et 30 juillet l’Akademietheater dans le cadre du Festival Impulstanz, Vienne 

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