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Sur un plateau vide, huit hommes et femmes vêtus de noir se font face, assis de part et d’autre à cour et à jardin. Parmi eux, sept danseurs et un musicien, tous issus de la diaspora iranienne en Europe, dont Hooman Sharafi lui-même. Le chorégraphe, exilé à 14 ans en Norvège, a réuni cette communauté dans un Sacre du Printemps transformé en profondeur et placé sous le signe du sacrifice, dans son sens collectif mais non littéral.


Sacrifying while lost in salted earth s’ouvre sur une série de solos déployés dans un silence moelleux. Les figures se font abstraites, fluides ou rythmées, tantôt sur place ou dans des déplacements plus amples, parfois ponctués de gestes brusques – ici un poing au sol, là un saut impromptu. Le souvenir de la mise en scène historique de Pina Bausch inspire un rapprochement avec la danse sacrale de l’élu, dont on peut lire ces numéros comme autant de variations personnelles. Seulement, ici, aucune trace des saillies haletantes de Stravinsky, si ce n’est dans nos esprits presque conditionnés par le fantôme de la célèbre partition.


En lieu et place de cette dramaturgie musicale, pas de bande son diffusée, mais de la musique live interprétée par Arash Moradi au tambûr, instrument perse proche du luth. Posté parmi les interprètes, il invite les corps à se caler sur son fil mélodique aux tournures subtiles. Un dialogue s’installe, emportant le collectif en un même mouvement. Un rassemblement festif se dessine dans les ondulations, les jeux d’épaules et les sourires complices. Ivresse et solennité se brouillent alors quand, en pleine farandole main dans la main, chacun à son tour crache un liquide rouge sur une feuille de papier, en passant. Le Sacre ne restera donc qu’un spectre lointain dans cette réinterprétation où domine la force d’une communauté d’expérience qui rayonne plutôt de tendresse et de la joie des retrouvailles, jusqu’à un climax d’émotion final où se rejoueront tous les solos dans une fresque chorale.


> Sacrifying while lost in salted earth d’Hooman Sharifi, du 18 au 21 janvier au CENTQUATRE, Paris  

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