CHARGEMENT...

spinner

Née au début de la guerre civile, Rana Issa a grandi dans un camp de réfugiés palestiniens, et vit désormais à Oslo où elle est chercheuse. Souhaib Ayoub a connu les nuits queer de Tripoli avant de « venir en France en fantôme ». Intellectuel influent à Beyrouth dans les années 1990, Bilal Khbeiz a dû fuir son pays vers les États-Unis suite à des menaces. Dans Hartqāt, leurs témoignages se suivent, entrecoupés d’un noir profond qui ne marque pas tant la pause que l’obscurité dont ils proviennent.


Sous les projecteurs, ces paroles s’articulent comme les pièces d’un puzzle pour dessiner l’histoire d’un pays marqué par les guerres et les exils ; d’une société sous le joug d’un patriarcat omniprésent qui s’immisce jusque dans les mots ; de destins marqués par le poids des mémoires blessées des ancêtres, l’héritage de la peur et de la honte. « Il m’a fallu beaucoup de temps avant que je puisse accepter que la mise à nu est nécessaire pour écrire l'histoire » note Rana Issa. Dans son texte, comme dans ceux de Souhaib Ayoub et de Bilal Khbeiz, le corps fait irruption comme une réponse, avec ce qu’il charrie de fluides et d’odeur, mais aussi de désir. Pourquoi refuser la « débauche », si elle a le pouvoir de sauver la vie ? Le désespoir, s’il permet de revenir à la vérité de la chair et de ses cicatrices ? Est « une trahison à soi-même » que de se construire une nouvelle vie ailleurs ?


Dans le noir, ces témoignages livrent un même combat contre le silence. C'est à le rendre sensible que la mise en scène, toute en sobriété, s'attelle avec justesse. Lina Majdalani ne peut parler que dos au public, face à un film de Rabih Mroué qui nous plonge dans l’archéologie d’une terre où sont ensevelis trop de cadavres. Pour donner corps au récit de Rana Issa, Raed Yassin doit se soutenir de sa musique. Bilal Khbeiz, lui, est contraint d’attraper au vol les sous-titrages qui ne cessent de vouloir s’échapper, comme de repartir plusieurs fois au début. « Le futur est confus, sombre, impossible », l’histoire ne cesse de bégayer, mais au présent de la scène quelque chose, malgré tout, peut encore être dit.



> Hartqāde Lina Majdalanie et Rabih Mroué, du 19 au 28 janvier au Théâtre Vidy-Lausanne, dans le cadre de son week-end de réouverture.



Lire aussi

    Chargement...