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« Avec ce qu’il se passe en ce moment dans le monde, il y a quand même des sujets plus importants que les cheveux ! » À ce spectateur du Théâtre de la Ville à Paris, visiblement irrité par ce qu’il vient de voir, on aura eu envie de répondre : «ok, mais pourquoi pas ? ». Le cheveu est quasiment le seul élément de notre enveloppe corporelle dont on ne maitrise qu’indirectement le mouvement. Chacun passera devant cette information sans y prêter attention, un chorégraphe en revanche y verra un défi qui vise le cœur de son métier. C’est précisément ce que le lituanien Dovydas Strimaitis – qui fut chauve dans une vie passée – s’est mis en tête avec son Hairy.


Une silhouette se détache de l’ombre, habillée tout en latex noir des pieds au cou mains comprises. Jambes écartées, tête en bas, la pointe de ses cheveux touche le sol. Ses très légers hochements saccadés de caboche animent sa longue tignasse rousse. Une ligne de basse grave et les beats techno – plus tard une séquence stroboscopique – collent parfaitement à l’apparence BDSM du personnage. Or si tout l’y pousse, sujet compris, Hairy n’emprunte jamais la pente de l’érotisme. La danseuse, démultipliée quasi à l’identique par trois autres interprètes qui l’ont rejoint sur scène, reste concentrée sur une quête paradoxale : tout le corps se met au service de la chevelure pour tenter d’en maitriser le mouvement.


Tout ce headbanging contrôlé, souvent à l’unisson, ne prétend pas porter un quelconque discours sociétal. Il n’est pas question par exemple d’une tirade sur la « liberté » ou « l’émancipation » vantant les bienfaits d’avoir les cheveux au vent. Hairy nous adresse une forme purement chorégraphique : la recherche d’un état de corps, d’une manière de bouger, un poil robotique, transformant les danseurs en créatures luisantes et touffues, plus tout à fait humaines. Au risque de contredire ce spectateur parisien, n’attendons pas de l’art de s’intéresser seulement aux grands problèmes de notre temps ; encore moins d’y apporter des solutions. Faisons plutôt confiance aux artistes pour nous faire chausser de nouvelles lunettes, dévier les perspectives ; quitte à parfois aller un peu trop loin et se retrouver, comme Dovydas Strimaitis, à couper les cheveux en quatre.



Hairy de Dovydas Strimaitis a été présenté du 10 au 12 octobre au Théâtre de la Ville à Paris

le 22 novembre dans le cadre du festival NEUFNEUF au Ring, Toulouse

Hairy 2.0 (version solo du spectacle), les 28 et 29 novembre à la Maison de la danse de Lyon 

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