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En mai dernier, dans NX FUIMO de Tamara Alegre, Elie Autin nous apparaissait en sirène libidineuse et féroce esquissant quelques pas de dancehall. La voici désormais dans son premier solo Présage, qui la voit poursuivre sa métamorphose entre humain et non-humain sur fond de paysages fantasmagoriques. En poussant vers le mutant voire le monstrueux, cette première création tend à mettre à mal le regard occidental sur la représentation du corps noir – en scène et dans les arts.


Toute en tissu bleu nuit, Elie Autin trône dans un premier temps au sommet d’un escalier blanc en statue antique, impassible aux cris de corbeaux qui envahissent la salle. Une fois délestée de son vêtement, elle se fait soudain animale, charogne se bafrant de beignets aux fruits rouges, puis prostrée à un point d’eau. Au fil des transformations rythmant la performance, c’est tout le bestiaire de la mythologie grecque qui défile - chimères, bacchantes et furies. Descendue de son perchoir, elle prend enfin possession de la scène, où ses ébauches de danse classiques s’auréolent de sauts chevalins ou de ports de tête empruntés au voguing. Multiple, protéiforme, la danse passe alors en revue les fantasmes toujours opérants sur le corps noir – exotisants, sexuels, sauvages…


C’est en articulant cette palette de gestes et d’attitudes, dans une scénographie mi-végétale mi-technologique aux tons laiteux, qu’Elie Autin défie les stéréotypes et ouvre des voies d’émancipation. Dans son antre agencé selon ses propres règles, se dessine un possible futur queer et décolonial, engendrant son esthétique et ses identités propres, affranchies des points de vue objectivants encore en vigueur.  


Présage a été joué à l’Arsenic (Lausanne) du 23 au 27 novembre 2022.