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Le timing est à point : alors que l’AS Nancy Lorraine, jadis illuminée par Michel Platini, s’est vue reléguée en National 3 (l’équivalent de la 5e division), le Ballet local sauve symboliquement la face de la ville et de la région en réécrivant les règles de ce sport que nous ont livré les Anglais au XIXe siècle. L’une d’entre elles touche les effectifs : garçons et filles se mélangent désormais dans chaque équipe. En l’occurrence, deux dizaines de joueurs, les rose et les bleus, chapeautés par un arbitre féminin appareillé d’un micro HF et muni du sifflet réglementaire, ont appliqué à la lettre les consignes de Jacobsson et Caley, capitaines dans la maison lorraine. En fond sonore : un mix de DJ Ben Unzip, les réactions du public en gradins et la corne de brume scandée par Pierre-Yves Mas, administrateur de la compagnie. Tout y est, mais revisité sous la dentelle du rituel chorégraphique.


C’est connu : la perspective des Jeux Olympiques précipite actuellement les croisements d’expressions sportives et artistiques – débouchant chez certains sur des créations quelque peu opportunistes. Initié en 2016, de nouveau en tournée cette année, Discofoot ne peut pas être taxé de telles intentions. Le concept anticipait de plusieurs années la tendance en projetant des routines funk ou disco empruntées aux Bee Gees, à Donna Summer ou Abba dans une dynamique purement footballistique. Seule contrainte ici : ne pas courir et, à la place, danser le match. À chacun donc de se débrouiller pour jouer par intermittence au ballon-pied – une balle mal dégagée renverse d’ailleurs la pinte de bière d’un spectateur au premier rang.


Subsiste pourtant le gros du rituel du match. Les chorégraphes conservent l’annonce des joueurs, leur échauffement, le serrage de mains des capitaines avec l’arbitre, la photo officielle, le tirage au sort et même le choix de la partie du terrain ou de l’engagement. Petter Jacobsson et Thomas Caley ont toutefois introduit une nouvelle instance au tribunal du foot : un jury similaire à ceux du patinage artistique, jugeant de la qualité du jeu par-delà le simple décompte de buts. C’est peut-être ce qui pousse les interprètes à s’investir sérieusement dans le match tout en alternant partition chorégraphique et impromptus. Ici, la technique sportive se confond avec la danse savante, non sans effet comique : les passes approximatives alternent avec des tours ou portés du Lac des Cygnes, et le penalty se joue en sauts périlleux devant un gardien de but guère intimidé.


D’une teneur plus récréative que créative, Discofoot demeure une proposition recevable pour le public de danse. Parité garçons/filles, connivence et participation des spectateurs, cohabitation entre gestuelles sportive et balletique : le compte y est en termes d’expérience dansée. Sans prétention politique, le geste témoigne pourtant d’un fort désir de subvertir l’esprit de compétition et de bouger, aussi, le cadre formel des arts chorégraphiques.  


> Discofoot du Ballet de Lorraine a été présenté le 28 juin au festival Jogging au Carreau du Temple, Paris ; le 1er juillet dans le Cadre du Voyage à Nantes au Parvis Neptune

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