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Les rollers crissent sur le parquet, la sueur envahit l’espace, la foule en redemande : une ambiance de match flotte dans la grande salle de l’Avant-Seine à Colombes. Et pour cause : c’est soir de match. Enfin, sur scène. Ce soir, celle-ci est squattée par une piste de bois ovale de plusieurs mètres de long. Dans quelques minutes, un affrontement de roller derby comme vous n’en avez jamais vu s’y disputera. Rappel des règles : sur le track, deux équipes s’affrontent. Pour gagner, une des derbistes doit cumuler un max de tours sans que l’équipe adverse ne l’arrête. Et bien sûr tous les coups sont permis : genouillères, coudières, casque et protège-dents sont prévus pour encaisser. 

 

Après Disco Foot du Ballet de Lorraine et mille autres « olympiades culturelles » écoulées dans le sillon des JO, voilà encore que le monde du sport s’invite sur scène. Et pas n’importe lequel. L’équipement de derby en agrès : il fallait y penser et les circassiens Valia Beauvieux et Emmanuelle Hiron l’ont fait. Leur proposition ne se démarque pas des dernières en date : la fusion art et sport opère littéralement. L’échauffement est ponctué de slaloms esthétisés, les séances de muscu sont chorégraphiées et les chutes se rattrapent dans la grâce, en roulades ou grands écarts. Et, c’est une aubaine, la culture derby n’est pas avare en théâtralité : les joueuses s’affichent peintures de guerre aux joues et se présentent sous des noms de scène – Lady Bla Bla, Cocktail Molotouffe et autres Slalomèche. Rajoutez à cela un peu de slow motion, des jeux de lumière et de la fumée et vous tenez un parfait sport show à l’américaine qui se plie au cahier des charges de la scène. 

 

Mais il fallait bien un twist à tout cela, que fournit sans peine l’ADN féministe du derby. « Ici on a le droit de se taper, de ne pas s’excuser, de prendre de la place. » Les joueuses témoignent sur scène : pour l’une chausser des patins, c‘est trouver sa place ; pour une autre, la piste est un lieu d’empouvoirement. D’autant que ce sport de contact résiste assez bien aux tentatives de sexualisation, à l’inverse d’autres disciplines. Un terrain que le spectacle surligne à sa façon : l’avant-match tape dans le drag show avec boule à facettes et choré sur Lady Gaga. On ne saura pour autant reprocher à Beauvieux et Hiron leur didactisme – même s’ils ne nous épargnent pas des séquences docu avec voix off sur la genèse du derby, né au Texas dans les 2000’s. Car, dans la salle, le résultat est là : des visages enthousiastes, une mixité générationnelle et des gosses prêts à fouler la piste. À la sortie, toutefois, une dame âgée avoue discrètement n’avoir « rien compris aux règles ». Un sport de contact féministe et musclé : c’est vrai, ça surprend, mais ça viendra.



Derby de Valia Beauvieux et Emmanuelle Hiron a été présenté le 28 janvier à l’Avant Seine, Théâtre de Colombes


⇢ les 11 et 12 février au Théâtre d’Orléans 

⇢ les 2 et 3 avril à La Filature, Mulhouse

⇢ du 21 au 23 mai dans le cadre du Festival Transforme au TNB, Rennes

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