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Vulgaires, insoumis, ignares et nonchalants : quand les têtes blanches commentent la génération née à l’aube de l’an 2000, le lancer de fléchette frise la discipline olympique. À croire que l’après-Covid aurait déjà classé la jeunesse dans la liste des espèces disparues. Sans détour, les jeunes diplômés du Studio 7, troupe de l’École du Nord à Lille, prennent la critique à bras le corps et défendent leur croûte en plateau. Dans une écriture à huit mains, Tragédie prend pied dans le paysage apocalyptique d’un crash aérien. À l’ombre d’une carcasse de Boeing qui envahit l’espace et relègue le jeu à l’avant-scène, ces vingt jeunes adultes redoublent d’énergie pour assurer leur survie et remettre quelques pendules à l’heure.

 

Pour qui compte un spécimen dans son entourage, la posture est familière : les hanches désaxées, la tête inclinée et le regard vague. Pas de doute, voilà d’authentiques représentants de la Gen Z. Décontractés comme s’ils bavardaient à la sortie d’un TD, les vingt jeunes sujets en uniforme old school débattent face public. D’un simple « Comment ça va ? », l’échange glisse anarchiquement des syndromes prémenstruels à l’éco-anxiété, d’une peine de crush aux élections présidentielles. Ça file, rapide, cynique et dynamique, pareil aux fils d’actu par lesquels cette jeunesse – et ses aînés – s’abreuve des nouvelles du monde.

 

Et c’est cette actu qui alimente le scénario-catastrophe de Tragédie, périple survivaliste qui donne à ces jeunes pousses l’opportunité d’élaborer leur propre stratégie de survie. De la sidération à la révolte, de la fureur à l’épuisement, cette création collective révèle, par la dystopie, les humeurs, angoisses et dilemmes qui occupent la première vague de citoyens élevés à l’ère de l’anthropocène assumé. Saynètes cannibales, ballade amoureuse au clair de lune ou one-man-show sur fond de veillée mortuaire, la vie du camp de fortune se trace aux rythmes d’intermèdes solitaires, donnant à entendre l’expression d’individualités autant que la solidité de jeu de ces jeunes artistes.

 

Et si cette Tragédie trébuche sur quelques écueils de la création de sortie d’école – déplacements attendus, disposition chorale redondante –, on les oublie volontiers devant la qualité d’adresse et l’humour maîtrisé de cette jeune promo qui s’empare de la première personne sans se faire la chambre d’écho des fantasmes de leurs aînés. Bien sûr, la foi radicale en l’art, l’amour et l’engagement, qui déborde de chaque prise de parole dans la pièce, paraîtra bien naïve à ceux-à-qui-on-ne-la-fait-plus. Mais n’est-ce pas précisément l’apanage de la jeunesse, celle-là même que l’on voudrait refuser à ces survivants d’un crash survenu avant qu’ils ne puissent l’éviter ?



Tragédie de David Bobée et Eric Lacascade avec le Studio 7 de l’École du Nord a été présenté du 1er au 5 octobre au Théâtre du Nord, Lille


⇢ les 16 et 17 octobre au Phénix, Valenciennes

⇢ les 16 et 17 janvier au Tandem, Arras

⇢ le 28 janvier à la Comédie de Béthune

⇢ le 31 janvier à La Faïencerie, Creil

⇢ le 25 mars à la Maison de la Culture d’Amiens

⇢ du 3 au 6 avril à La Villette, Paris

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