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Il suffit donc de prendre place dans l’assemblée-chapiteau sise sur la scène du Théâtre National Populaire de Villeurbanne pour se constituer citoyen de Cornucopia, société imaginaire pensée par Joris Mathieu et Nicolas Boudier. Et ça tombe bien, c’est jour de fête : la communauté accueille une naissance. Une occasion toute trouvée pour se raconter et entretenir le mythe fondateur. Dans un univers sonore quasi-aquatique, une bergère-nourrice du futur nous réceptionne. La radio qu’elle porte en collier diffuse un récap’ des derniers évènements. Sur Terre, « l’ère survivaliste des ancêtres » a entraîné une « correction démographique significative ». Une nouvelle civilisation est donc advenue, qui s’oppose point par point à la nôtre. L’accumulation des richesses a laissé place au partage et au troc, bienveillance et entraide ont remplacé exploitation et compétition, le Dieu croissance a muté en Déesse sobriété, et l’obsession identitaire a disparu au profit d’une liberté totale pour se définir comme bon nous semble. Seulement, le rêve du retour à l’abondance, lui, n’a pas disparu. Chaque année, on consulte l’oracle dans l’espoir que le temps de la consommation sans limite advienne à nouveau. 

 

Précurseur de la science-fiction théâtrale, Joris Mathieu est un fabuleux fabricant d’univers. De tableaux en tableaux, Cornucopia se déploie avec délice sur un plateau tournant nous faisant face : la pouponnière laisse place à une aventure en forêt, avant que les personnages ne descendent dans les profondeurs d’une grotte, poussant la chansonnette à la recherche de la source de l’oracle. Tout concourt à nous éblouir et particulièrement les costumes de Rachel Garcia – berceau-combinaison spatiale ou camouflage champignon. 

 

Mais derrière les paillettes, ce futur est-il si désirable qu’il n’y paraît ? Que ce nouveau monde repose sur un mensonge et prenne des allures de caverne platonicienne, passe encore. Les personnages apprendront à ne plus en être dupes. Mais ils nous laissent seuls avec des questions un brin plus épineuses : la sobriété doit-elle nécessairement avoir pour pendant le malthusianisme, le contrôle des naissances et le suicide assisté ? Qu’en est-il des choix politiques et des institutions qui soutiennent cette utopie ? Des doutes lourds de sens dans la France de 2024. Car, aujourd’hui, qu’une soi-disant bienveillance puisse mener aux portes de la dictature ne relève plus de la science-fiction pour personne.  

 


D’autres mondes possibles – épisode 2 : Cornucopia de Joris Mathieu et Nicolas Boudier a été créé et présenté du 8 au 19 octobre au TNP, Villeurbanne 

 

du 4 au 6 décembre à la Comédie de Valence

du 8 au 10 janvier aux 2 Scènes, Besançon

du 30 janvier au 1er février au Lieu Unique, Nantes

du 4 au 6 février au Théâtre, Saint-Nazaire

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