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Quand l’écologie se pique d’amour, c’est souvent pour le pire. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, se faufilant avec agilité dans cette thématique périlleuse, Bryan Campbell compose une forme proche de l’opéra. Sur scène la passion tue les femmes ; partout dans le monde, les politiques de préservation d’une nature supposée vierge ne sont que le miroir de l’extractivisme : protégeons là pour mieux détruire ailleurs.


Dans un décor d’atelier de menuiserie, combinaison de bûcheron sur le dos, le performeur tient ensemble les deux faces du naturalisme occidental. Pourquoi y aller par quatre chemins ?  Les forêts où nous aimons tant nous balader ne sont le plus souvent que des devenirs-IKEA en puissance. Coups de marteau ou de hache, trémolo d’une scie sauteuse, le performeur invente des percussions sur mesure pour battre le rythme d’une « Pastorale sadique » en dix tableaux. Conte écosexuel à la sauce BDSM, Deep Cuts narre les amours d’un homme avec un « épais sapin », une histoire de « sensualité rugueuse qui fait mal », de caresses, coups de fouets et golden shower bucoliques.


Espiègle et narquois, sans jamais basculer dans la moquerie, Bryan Campbell traverse avec une folle élégance et un art du décalage ces aventures qui n’ont de loufoques que l’apparence. Au fil de sa métamorphose en une version sexy moderne de Pan – Dieu champêtre et musicien – une inquiétude se propage en sourdine. Préférant pousser l’absurde que formuler la moindre critique, le performeur semble nous avertir : sur les ruines du monde nous exhibons nos individualités performantes, et ni nos philosophies du réenchantement, ni nos expériences collectives de retour à la nature ne sauveront l’humanité des poubelles de l’histoire.


Deep cuts de Bryan Campbell, les 7 et 8 septembre à la Maison Saint-Gervais, Genève 

--> du 3 au 5 octobre dans les cadre des Inaccoutumés à la Ménagerie de verre, Paris


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