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Sourires extatiques, grands jetés lourdauds et destruction cathartique des éléments du décor : depuis WEG (2019), la chorégraphe d’origine argentine Ayelen Parolin revendique une danse naïve et idiote, sans laisser la précision et la technique sur la touche. Un équilibre, plus ou moins stable, qu’elle expérimente de nouveau dans Zonder. Ce trio pourrait être un clone du précédent, SIMPLE, où de facétieux danseurs portaient des académiques colorés en référence à Merce Cunningham. On retrouve ici deux d’entre eux : Piet Defrancq et Daan Jaarsveld, auxquels s’ajoute Naomi Gibson. Mais cette pièce, qui va encore plus loin dans les pitreries, en vient-elle à nous épuiser en tout juste 55 minutes ? 


Si la chorégraphe d’origine argentine est repérée depuis plus de vingt ans, sa recherche sur l’idiotie est plutôt jeune. Depuis quelques années, ses danseurs ont tout du clown : l’air figé, incertains, plutôt patauds, ils évoluent sur le plateau avec maladresse, lançant des œillades angoissées à la salle. Zonder va crescendo dans la bouffonnerie, les interprètes déglinguent progressivement le plateau avec fracas (mur, sol, rideau, laissant derrière eux un beau chantier) et changent de costume (short de jogging, slip, épaulettes à franges). Le style académique vire alors au gag : les grands jetés se font toujours plus poussifs, et un fameux air de ballet, fredonné puis crié, devient une insupportable rengaine. Zonder épuise tout : les effets comiques, le mobilier de la salle. Et peut-être bien nous-mêmes au passage.


Partant de la même tonicité qui traversait WEG et SIMPLE, où les tensions musculaires entravent une possible fluidité du mouvement, Zonder pousse à nouveau la caricature, l’absurdité et le ridicule. Faut-il pour autant voir dans cette pièce la parodie d’un académisme ? La recherche gestuelle d’Ayelen Parolin n’a rien d’une moquerie. En témoigne la complexité de son écriture qui s’enrichit au fil des pièces. Elle mêle aux gestes du classique des bribes de traditions populaires (claquettes, salsa, shimmy de l’entre-deux guerre américain), mais aussi un vocabulaire inventé lors de ses précédentes créations (enjambées sautées et bras sur le côté qui jalonnent WEG). Zonder témoigne de cette constellation complexe et aboutie de gestes étranges, antinomiques, virtuoses et bêtes à la fois. Encore une fois Ayelen Parolin nous tient sur un fil, entre le rire et la gêne, la jouissance et la douleur. Sa danse repose sur ces ambiguïtés. 



Zonder d’Ayelen Parolin, au Théâtre National Wallonie Bruxelle jusqu’au 2 décembre. 

les 3 et 4 octobre au Théâtre Populaire Romand, La Chaux-de-Fonds, Suisse


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