Téléphone à la verticale, musique pop ultra rythmée, quinze secondes chrono : telles sont les règles de base de la danse façon TikTok. Sur la célèbre plateforme se succèdent des suites de gestes toujours plus techniques sur lesquelles s’épuisent des jeunes gens partout dans le monde – ou seraient-ce déjà des cyborgs ? Pour tirer cela au clair, Anna-Marija Adomaitytė invite sept adolescentes à confronter la danse en ligne à celle « en présentiel », le temps du sobrement nommé TikTok-Ready Choreographies.
Et pour ce faire, pas de fioriture – pas plus que quand on danse dans sa chambre : une scène vide couverte d’un lino blanc. Les danseuses y sont disposées à équidistance, le regard vide. Une lumière bleutée les éclaire tout juste et des glitchs composent un environnement électro-acoustique. Tour à tour, les filles entament leur routine : ces fameuses « chorés » de quelques secondes qui inondent le feed de l’app chinoise. Sauf qu’ici, l’engouement laisse place à une froideur, à une lassitude. Par endroits, comme saisies d’un spasme, les ados s’immobilisent, ralentissent ou accélèrent. Un bug dans la machine, semble-t-il.

Puis l’atmosphère bascule et le plateau prend des allures d’arène. Désormais, les danseuses se toisent du coin de l’œil. Elles dialoguent par roulements de bassin et mouvements de bras. Lorsqu’un banger pop jaillit dans les enceintes, ces gladiatrices solitaires s’alignent en rang et synchronisent leurs mouvements. Mais dans cet univers déshumanisé, ce girls band improvisé laisse un gout amer. Si elle ne renouvelle pas la pensée critique sur les réseaux sociaux, Anna-Marija Adomaitytė les met à nu en posant les premières concernées face à l’usage qu’elles en font. Exit les discours paternalistes et les clichés : la chorégraphe expose un univers parallèle aux règles opaques, quelque peu anxiogène mais aussi catalyseur de créativité.
Une machinerie qui ne manquera pas de se détraquer. Les mouvements se font lourds, les gestes s’épuisent. L’une des danseuses se détache du groupe, rejoint l’avant-scène et ferme les yeux. Une à une, ses comparses la rejoignent. S’en suit un festival de bouches en cul de poule, d’yeux au ciel, d’émojis clin d’œil ou visage triste. Confus, le public hésite jusqu’à ce que, pris par un éclair de libre arbitre, un courageux se lance. Son applaudissement est accueilli par un sourire de soulagement : non, ces danseuses, à l’écran comme à la scène, ne sont pas des robots.
TikTok-Ready Choreographies de Anna-Marija Adomaitytė a été présenté le 31 janvier dans le cadre du festival En Vogue à Charleroi Danse (Belgique)
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