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Votre identité artistique s’est construite autour d’un mouvement : le martèlement. D’où vient cette obsession ? 

 

Quand j’ai commencé à travailler sur R-A-U-X-A, ça faisait 10 ans que je n’avais pas fait de solo. J'avais besoin de revenir à un mouvement ressource, intrinsèque à ma danse. Dans mon travail, le martèlement revient souvent et j’ai axé R-A-U-X-A sur ce mouvement. Ce geste est inscrit dans l’anthropologie, je l’ai donc exploré en dehors de la pièce, hors studio, dans le projet de recherche Études. Je me suis faufilée dans des contextes très différents à travers des rencontres, des conversations entre des personnes qui ont l’habitude de marteler dans leur travail. Ça a donné plusieurs performances dans lesquelles les récits de ces personnes deviennent le moteur chorégraphique. Par exemple, Réverbérations – Étude 8 s’est construit autour des récits de femmes batteuses. C’est aussi un mot que j’aime beaucoup, « martèlement ». Je ne sais jamais comment le traduire, ni en catalan, ni en castillan. Pour moi, il exprime cette idée d’imprimer dans l'air, de laisser une trace, mais aussi un rapport à l'effort, au travail. Et pour survivre à cet effort, vient la notion de musique, de chant ou de mélodie. C'est un geste archaïque, brut, relié à la violence. Je trouvais le mot « rauxa » très intéressant à prononcer également, il y a quelque chose de martelant dans la langue. Cela signifie un geste soudain, impulsif, une action immédiate. En catalan on dit « il faut avoir le seny et la rauxa », c'est-à-dire : la sagesse et l’impulsion.

 

Quelle place occupe la mémoire dans votre processus créatif ?

 

Dans Fugaces, ma nouvelle création, je travaille autour d'une figure de flamenco, Carmen Amaya, sur la base d’un souvenir datant de l’enfance. Je n'ai jamais fait de flamenco ni vu aucun spectacle d'elle, mais je connais son énergie. Je ne sais même pas où je l'ai vue. Cette étincelle est une mémoire qui se dépose dans le corps. La mémoire, c'est aussi tous ces résidus, ces fantômes, ces gestes. Le geste de marteler s’est certainement imprimé dans ma mémoire il y a longtemps, sans que je puisse me rappeler d’où ça vient. J’ai cherché dans les origines du martèlement, les premiers instruments, les premières formes de communication, les danses populaires, certains métiers anciens. Mais la science-fiction féministe et la pensée des corps du futur m’inspirent aussi. R-A-U-X-A renvoie à une culture du corps au travail qui a à voir avec l’exploitation et le devenir machine. L’homme-machine peut aussi être vu positivement, comme un contexte pour repenser l’humain, un corps augmenté, une potentielle libération. 

 

Après THIS IS NOT (an act of love and resistance), pièce pour 9 danseur.euses en 2022, et PARADES & DÉSOBÉISSANCES créée en 2023 pour cent interprètes, vous revenez au solo. Pourquoi ?

 

Mon travail se penche sur la question du collectif, les danses en groupe, ce qui se passe entre les corps, ce qui nous met en lien. Mais de temps en temps, j’ai besoin d’un retour sur moi pour comprendre pourquoi je continue de danser et de chorégraphier. R-A-U-X-A est un trio entre la lumière et le son qui sont joués en direct et qui se mettent en dialogue avec le mouvement. Je travaille sur la notion de lien invisible. Au final, je ne suis pas si seule que ça en plateau.

  

R-A-U-X-A de Aina Alegre, du 13 au 14 novembre au Carreau du Temple, Paris


du 22 au 24 mai au Théâtre National de la danse de Chaillot, Paris 


Réverbérations – Étude 8 de Aina Alegre, du 6 au 8 novembre dans le cadre des Inaccoutumés à la Ménagerie de Verre, Paris

 

Fugaces de Aina Alegre, du 11 au 12 mars à la MC2 : Maison de la Culture, Grenoble 


du 20 au 22 mars dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne à la MAC Créteil 

le 25 mars dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne au Théâtre de Corbeil-Essonnes 

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