Quel est le lien entre Billy Elliot (2000), Massacre à la tronçonneuse (1974) et L’Empire contre-attaque (1980) ? En termes de contenu et d’époque, pas grand-chose. Les trois blockbusters ont cependant en commun d’être des références connues de presque tous et ainsi d’appartenir à une certaine « culture populaire ». Ou du moins à celle que partagent les danseurs Jules Lebel et Stéphane Imbert, et que l’on retrouve au cœur de leur création-jukebox AC/DC, incarnée en leur nom propre. Une posture explicite dès l’entrée en scène : le binôme scrute le public et se présente. Stéphane danse depuis 40 ans, vit en bord de mer et aime les huîtres. Jules en a 19, ne raffole pas des fruits de mer mais adore le groupe AC/DC. Pas de doute : le quatrième mur n’a pas été invité.
La pièce, c’est eux : leur amour de la danse, du cinéma et du célèbre groupe de hard rock australien des 80’s – on l’oublie, mais leur deuxième album, Back in black, est le plus gros succès discographique de l’histoire, juste après Thriller de Michael Jackson. Un plébiscite auquel Jules a contribué : l’interprète dévoile une galerie de T-shirts à leur effigie, qu’il retire un à un en chantant un de leur tube phare. Partant de là, une routine s’instaure : une alternance entre séquences dansées et reprises d’éléments de pop culture. Au programme : Maître Jedi, héros dystopiques ou cowboys de western.
Pour matérialiser la complicité entre les deux danseurs, une structure de bois est érigée au début du spectacle : une corde tendue d’un bout à l’autre du plateau, soutenue par des tuteurs. Le résultat, brinquebalant, se métamorphose en une tente plus solide : ce sera le lieu de la rencontre, parfois un terrain de jeu ou un refuge. Car AC/DC opère sur un autre plan et ce de la façon la plus élégante qui soit : la visibilisation des personnes en situation de handicap dans les arts vivants, dont la pièce a l’intelligence de ne jamais faire un sujet. Les mouvements bruts et rapides dus à la motricité singulière de Jules dialoguent sur scène avec ceux de Stéphane, plus assurés et aériens. Quand le plus expérimenté commence un enchaînement, le second l’imite, le reprend, le conseille. Et quand Jules se lance soudainement dans une danse frénétique sur de l’électro, Stéphane l’observe avec bienveillance.
La danse qui se crée à leur rencontre est celle du soin, tendre et bienveillante, à l’image de ce cocon qui trône en plateau. On y voit le duo s’enlacer, s’accompagner, s’allonger l’un sur l’autre. Et si AC/DC hésite parfois dans sa forme, le spectacle assume ses fragilités, en tire même profit. Sans que cela ne soit clairement énoncé, se comble ici, partiellement, un fossé : celui qui sépare les générations X et Z, déchirées par des procès en conservatisme ou en jemenfoutisme. Il est pourtant bon de rappeler que du commun existe entre nous tous : ados, jeunes adultes, quarantenaires, nous avons tous grandi avec AC/DC.
AC/DC de Jules Lebel, Stéphane Imbert, Aëla Labbé et Agathe Pfauwadel a été présenté le 22 janvier dans le cadre du festival Waterproof au Triangle, Rennes
⇢ le 25 mars dans le cadre du festival Ardanthé au Théâtre de Vanves
Lire aussi
-
Chargement...