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Ce lundi 30 juin, le conflit des intermittents est enfin parvenu à se faire entendre dans les grands médias nationaux. Le Figaro titrait notamment, en « une » : Menaces sur l'été des festivals. Après l'annulation du festival Montpellier-Danse, d'autres annulations ont été annoncées dans la journée : le festival de Marseille, le festival de musique de Montpellier-Radio France n'auront pas lieu. Les premières du festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence sont d'ores et déjà compromises ; et à Avignon, la grève reconductible des techniciens rend déjà fort improbable la première semaine du festival. Où l'on s'aperçoit, au vu d'un certain nombre de réactions, que les enjeux, loin d'être uniquement culturels, sont aussi franchement économiques : des dizaines de millions d'euros, en salaires comme en retombées économiques pour les régions festivalières, sont en jeu ! A force de porter la culpabilité sur le « coût » de la culture, certains ont oublié qu'elle pouvait aussi, « rapporter » beaucoup. Ce que les économistes du patronat avait visiblement oublié dans leurs calculs mesquins sur le « déficit » du régime d'assurance-chômage spécifique aux intermittents. Car
le Medef n'a qu'à s'en prendre à lui-même : qui sème le vent récolte la tempête !
En régions, la mobilisation ne faiblit pas, malgré l'évacuation policière au petit matin du théâtre de Caen. A Paris, la coordination des intermittents a procédé à de nouvelles actions : empêchement de la dernière représentation de Pina Bausch au Théâtre de la Ville, interruption (saluée par les spectateurs) d'une représentation à la Comédie Française, occupation de sociétés de location de matériel technique pour des tournages de télévision, manifestation devant le Lido puis sur les Champs-Elysées, etc.
C'est dans ce contexte particulièrement tendu que le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, s'est exprimé au journal du soir de France 2. Reprenant une argumentation chère au gouvernement Raffarin-Sarkozy, le ministre de la Culture avait, la veille, déploré que « le public soit pris en otage d'une protestation qui est irréfléchie ». Sur France 2, visiblement mal à l'aise, comme récitant un texte qu'on lui avait demandé d'asséner, Jean-Jacques Aillagon a refusé de prendre en compte le mouvement de grève qui s'est engagé. Essayant la pédagogie, en invitant les protestataires à « lire » l'accord signé dans la nuit du 26 au 27 juin ; brandissant la menace (en se mettant en grève, de nombreux intermittents ne parviendront pas à atteindre cet automne les fatidiques 507 heures) ; Jean-Jacques Aillagon a clairement indiqué (même si la décision appartient au ministre des Affaires sociales, François Fillon) que le gouvernement agréerait, sous réserve de quelques aménagements techniques mineurs, l'accord signé le 27 juin. Quant à une négociation demandée avec urgence sur certains sur le financement global de l'activité artistique et culturelle en France, il n'en fut pas même question !
Dans la journée, sont également intervenus plusieurs prises de position, bien tièdes, sur la crise actuelle, née de la signature de l'accord entre le Medef d'une part, la CFDT, la CGC et la CFTC d'autre part (lire nos éditions antérieures). Tout en regrettant un certain nombre de ses dispositions (lire par ailleurs), le Syndeac, réuni en conseil national extraordinaire, estime que «cet accord sauvegarde l'existence d'un régime spécifique dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ». Le Syndeac «demande au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires ou législatives permettant aux syndicats d'employeurs du spectacle vivant d'être associés aux négociations qui concernent leur secteur d'activité. Compte tenu de la mobilisation et de l'urgence de la situation, le Syndeac demande au Gouvernement d'ouvrir immédiatement des négociations sur la question essentielle du financement de la création et de la diffusion artistique du spectacle en France, en préalable à toute démarche d'agrément d'un accord ».
Les politiques commencent enfin à s'exprimer, encore bien timidement. Dans un communiqué transmis à l'AFP, Christophe Girard, adjoint à la culture du Maire de Paris, qui se dit « conscient de la crise sans précédent que traverse la création française et les talents émergeants par la remise en cause de leurs statuts d'intermittents ; surpris que les abus et les excès commis par quelques chaînes de télévision ne soient pas dénoncés et condamnés », demande au ministre de la culture « de peser de tout son poids pour permettre aux négociations de reprendre et empêcher qu'une telle réforme puisse passer en force pendant la trêve estivale ». Le Parti socialiste, de son côté, s'est exprimé par la voix d'Anne Hidalgo, nouvelle secrétaire nationale à la Culture, qui demande à la fois au gouvernement de ne pas agréer l'accord signé le 27 juin entre le Medef et trois syndicats minoritaires, toutr en écrivant : « L'accord qui vient d'être signé relève des partenaires sociaux et de leur autonomie en la matière ». Reprenant à son compte l'argument de la CFDT, qui estime que le régime d'intermittence «jouerait le rôle de subvention déguisée et de soutien à la subvention à la création culturelle, ce qui n'est pas l'objet de l'assurance-chômage », le Parti socialiste se contente de demander au ministre de la Culture « de réunir de façon urgente, une table ronde avec l'ensemble des protagonistes (partenaires sociaux, compagnies, producteurs, ...) pour trouver des solutions » : « il faut en sortit par le haut, c'est-à-dire mettre tout le monde autour de la table et négocier. On ne peut pas s'inscrire comme défenseur de l'exception culturelle et tuer dans l'œuf, la création culturelle dans notre pays : c'est de la responsabilité du gouvernement ».

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