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Visiter la Fondation Carmignac relève autant de l’odyssée vers l’Arcadie que du parcours de santé pour aficionados de l’art contemporain. Dans le domaine de la Courtade, vaste étendue de garrigue et de conifères centenaires, jaillissent d’imposantes sculptures d’Ed Ruscha, Ugo Rondinone, Jeppe Hein, Jaume Plensa ou Nils-Udo. Toutes ont été pensées et réalisées in situ, dans un jeu de résonance et de fusion avec le milieu naturel. Sur le seuil du musée, L’Alycastre de Miguel Barcelo, chimère menaçante taillée dans un bois noueux, trône en splendeur. Quant aux expositions temporaires, elles sont accueillies dans les salles souterrainses, aménagées sous un immense bassin transparent. C’est là que s’est montée au pied levé, et en pleine période de confinement, une exposition de photoreportage célébrant les dix ans du Prix Carmignac.

 

 

Arche de Noé

Loin de la verticalité architecturale écrasante et des démonstrations de force propres à certaines Fondations, la Villa Carmignac, conçue par Henri Vidal au début des années 1980 a été construite en dénivelés progressifs, dans le plus pur style des mas méditerranéens, et mise tout sur l’environnement. « Au-delà d’une île, Porquerolles est un parc national. Nous avons signé une convention qui nous permet d’imaginer annuellement des projets – comme au Fort Sainte Agathe – sur des enjeux d’écologie. Ce sont des préoccupations de préservation d’équilibre, de biodiversité, de soin, d’attention portée au vivant et à la nature face à la société actuelle qui homogénéise et crée des monocultures », spécifie Charles Carmignac, commissaire des expositions et directeur du lieu. « Nous possédons une bibliothèque de graines et un conservatoire botanique renfermant des espèces qui n’existent nulle part ailleurs, c’est un véritable trésor du vivant. Porquerolles, c’est un peu l’Arche de Noé. »

 

Épuiser le réel

Ce contact magique et très puissant avec le vivant vient contrebalancer la dureté des photographies présentées dans l’exposition : entre le trafic humain et l’esclavagisme encore pratiqués en Lybie (Narciso Contreras), les balafres de la guerre en Tchétchénie (Davide Monteleone), les familles meurtries de la bande de Gaza (Kai Wiedenhöfer), la traite des femmes au Népal (Lizzie Sadin), la fonte des glaces en Arctique (Yuri Kozyrev & Kadir van Lohuizen) ou la crise du Covid-19 documentée en temps réel au Congo (Finbarr O’Reilly, lauréat 2020) et dont les tirages sont collés au fur et à mesure dans le parc, peu de place pour l’optimisme. « Le photojournalisme raconte le monde tel qu’il est, sans filtre, avec ce qu’il a de plus dur et de plus sombre. C’est un récit très frontal, qui révèle, dénonce, informe. Et à côté de ça, il y a le langage de l’art contemporain – de la parabole, de l’imaginaire, du spirituel, de la fiction – qui questionne le monde et contribue à le réinventer. Cette articulation, très complète, fait à mon sens la force du projet », poursuit Charles Carmignac lors de la visite, offrant un écho aux propos de Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières : « Dans un monde saturé d’images qui déforment, qui dissimulent, qui trompent, nous avons besoin d’images honnêtes, qui s’efforcent de saisir, voire d’épuiser le réel. »

 

> Prix Carmignac du photojournalisme : dix ans de reportages, jusqu’au 1er novembre à la Fondation Carmignac, Porquerolles

 

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