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L’endroit serait paisible, avec ses petites haies taillées en angle droit, la statue au milieu et les graviers bien à leur place, si ce n’était le vacarme assourdissant des tondeuses et tronçonneuses électriques. À s’en exploser la cervelle : le son monopolise tellement l’espace mental que l’on met du temps à remarquer l’être qui se faufile sur scène depuis les profondeurs de la terre et sous les projecteurs qui balaient l’espace comme les feux d’un hélicoptère. Qui est l’envahisseur ici ? L’étranger qui fout en l’air le gazon ou la bande-son de la civilisation technique qui inscrit dans le marbre les principes les plus universels – Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays » – pour mieux s’en dédouaner. 


Avec ART.13 , Phia Ménard ouvre une nouvelle série de pièce : Le Cycle des ruines. Partant de l’image du jardin elle se propose, comme à son habitude, d’en explorer la polysémie, les constructions culturelles qui la sous-tendent, l’imaginaire qu’elle charrie. Dans ce premier opus dédié au « jardin à la française », le nommé « nuisible » ne déboule pas seulement pour en dérégler l’ordre mais aussi pour révéler la violence que celui-ci camouffle.  


C’est qu’il en a le pouvoir. Masque sur le visage, marinière et short de catch, le personnage à qui Marion Blondeau prête son corps métamorphique échappe à toute assignation : son doudou le tire vers l’enfance, son visage vers l’indéfini, le sautillement de ses jeux de jambes et l’agilité de ses doigts vers l’insecte. Il est « monstre », entendu dans son étymologie comme « celui qui avertit et éclaire ». « Monstre », aussi, dans ce qu’il relève du fabuleux, cet ordre précédant l’avènement du monde de la science qui, pour connaître, asservit.


Dans le vocabulaire corporel de l’interprète, comme embarquée dans la parade nuptiale du plus étrange des oiseaux, se déploie cette joie propre à l’inattendu. Lancé presque par hasard, le premier coup de hache fissurant le socle de la statue a quelque chose de jouissif. Et si c’était gratuit, pourquoi ne pas recommencer, jusqu’à la chute ?


Recommencer, il le faudra de toute façon, quand la pièce reprend depuis le début, en plus difficile, à l’instar d’un jeu vidéo dont on aurait passé le premier niveau. Ou d’une révolution, qui s’achèverait dans un retour à l’ordre établi, plus sanglant encore. Il faudra recommencer et changer de méthode, car le pouvoir est comme un animal blessé : il se met à mordre quand il se sent en danger. Il faudra recommencer, mais c’est seulement quand les haies seront tombées à leur tour que tout pourra vraiment commencer. Pour que puissent advenir ces « fables pour la suite du monde, pour un monde qui continue d’être monde » évoquées par la dramaturge Camille Louis, il ne suffira pas seulement de déboulonner, ni de remettre à plat la hiérarchie des vies. C’est le cadre – qui enserre la scène, nos rationalités et nos imaginaires – qu’il faut faire sauter.



ART.13 de Phia Menard a été présenté du 17 au 19 septembre à la Biennale de la danse, Lyon

--> les 28 et 29 septembre à la Comédie de Valence 

--> les 6 et 7 octobre dans le cadre d’Actoral à la Criée, Marseille 

--> le 19 octobre au Volcan, Le Havre

--> du 25 au 27 octobre à Circa Auch

--> le 15 novembre aux Quinconces l’Espal, Le Mans

--> les 10 et 11 janvier à l’Espace Malraux, Chambery

--> du 23 au 28 janvier à la MC93, Bobigny

--> le 6 février à la Filature, Mulhouse

--> du 14 au 16 février aux Halles de Schaerbeek, Bruxelles

--> les 20 et 21 février au Tandem, Douai

--> le 28 février dans le cadre de Montpellier Danse, à l’Opéra Comédie

--> du 7 au 9 mars au Lieu Unique, Nantes

--> du 13 au 16 mars au TNB, Rennes

--> les 20 et 21 mars aux 2 Scènes, Besançon

--> les 28 et 29 mars à la Comédie de Clermont-Ferrand

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