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Un spectacle, un festival vient d'être annulé, un autre encore.
Vous êtes tristes ?
Sachez que nous le sommes aussi.
Si depuis le 26 juin dernier nous n'assurons plus la présentation de nos spectacles, c'est que l'avenir de nos professions est très directement menacé par le gouvernement Raffarin.
Pourtant, ce n'est pas de nous isolément, à ce stade, qu'il convient ici de parler, mais bien de culture et de société.
Si vous avez été la victime d'un soir de notre mouvement de grève nationale, soyez certains que vous êtes bien plus que ça, la cible directe d'un gouvernement qui en toute impunité s'attache à massacrer la culture d'un pays, afin de laisser la place libre au pire d'une économie libérale dont on peut sans attendre mesurer les effets si nous portons nos regards vers la situation outre-atlantique.
Que faut-il entendre quand Aillagon parle d'une bonne réforme et que déjà il pense aux rustines qui vont être nécessaires pour panser les artistes crevés.
Hier l'éducation nationale, la recherche, les retraites, aujourd'hui les missions du ministère de la culture (les archéologues, les architectes, les artistes et techniciens du spectacle et de l'audiovisuel), demain la sécurité sociale.
Ne nous y trompons pas, et inutile de regarder à deux fois, le gouvernement Raffarin, tout à son aise derrière Chirac élu par une majorité aussi énorme qu'indue, transforme sous nos yeux une démocratie en régime néo-pétainiste (le récent « bon mot » de Raffarin à l'endroit des socialistes ne dit pas autre chose).
Non, le problème qui est posé par les professions affiliées au régime d'indemnisation spécifique de l'intermittence n'est pas qu'un problème économique, il s'agit bel et bien avant cela d'un problème idéologique. Comment expliquer sinon que la réforme des annexes 8 & 10 de l'unedic ne mette aucunement en péril ceux qui en abusent le plus, ceux qui transforment une attention à la spécificité d'un certain nombre de métiers en abus, à savoir ces chaînes de télévision ou ces parcs d'attractions miroirs ultra-bénéficiaires de ce que serait une société sans art et sans culture.
Comment ne pas voir dans la concomitance du vote de cette réforme des annexes 8 & 10 de l'unedic avec un accroissement d'une réduction d'impôts aux entreprises mécènes de projets culturels, un désengagement programmé de la participation de l'état à la vie artistique de son pays, et comment ne pas imaginer tout de suite les produits labellisés « grand public » vers lesquels ces entreprises vont se tourner pour se débarrasser de leurs pièces jaunes.
A quoi rêvons-nous ?
La télévision, on a pu à loisir le constater, est redevenu ce qu'elle était : un parfait instrument de propagande, on voit bien d'ailleurs comment le gouvernement actuel pourtant si soucieux de faire des économies et de se débarrasser de toutes les missions qui ne concernent pas la « sécurité » qu'elle soit intérieure ou extérieure, souhaite néanmoins entreprendre aussi vite que possible la construction d'une chaîne nationale « d'information » en continu à la télévision, nouvel outil de propagande indispensable à l'accomplissement de son programme.
Non Monsieur Chéreau, nous ne sommes pas entrain de nous tirer une balle dans le pied, la balle nous a été tirée dans la tête le 21 avril 2002, nous avons d'abord été aveuglés, maintenant c'est la gangrène qui s'est installée et c'est bien ce que nous essayons de faire entendre avant qu'il ne soit vraiment trop tard, avec les moyens qui sont les nôtres, les mêmes que ceux de n'importe quelle personne qui travaille, le droit de grève. Aujourd'hui, comme on devrait voter, je voudrais que ce droit soit considéré comme un devoir. Non, le festival d'Avignon ne doit pas avoir lieu dans ces conditions, non plus qu'aucune autre manifestation artistique dans ce pays indigne du travail des artistes et techniciens qui y sont attachés.
Je ne veux pas vivre dans un pays où l'éducation et la culture sont dénigrées au profit de la répression policière.
On ne peut plus attendre le mois de septembre et le « débat » sur la réforme de la sécurité sociale pour nous solidariser.
Quand on écrit panser avec un a, c'est qu'il est déjà un peu trop tard.
Il est urgent de tout mélanger, et faire front ensemble aux affronts répétés qui nous sont faits.
Je suis consterné.
Nous sommes tous concernés.

Matthieu Doze
Citoyen
Interprète de danses contemporaines
Paris, le 3 juillet 2003

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