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Ernest-Antoine Seillière de Laborde ne consulte pas assez mouvement.net, et en plus il a oublié ses classiques. Hier, nous avions titré cette chronique d'un proverbe de bon sens: «qui sème le vent récolte la tempête». Cet après-midi, dans un entretien que publie Le Monde, le patron du Medef pavoise encore: «l'accord modifiant le régime des intermittents du spectacle, signé avec la CFDT, la CFTC, et la CFE-CGC, montre qu'un vent de réforme souffle, même s'il n'est pas encore assez fort». Où l'on voit que les appétits de l'organisation patronale, après les coups de canif portés au régime des retraites, sont loin d'être calmés par l'ébauche de démantèlement du régime d'indemnisation du chômage, signée au matin du 27 juin. Calfeutré dans son bureau de l'avenue Pierre 1er de Serbie, M. Seillière n'écoute que Jean-Pierre Gaillard sur France Info et ne lit que Le Figaro, qui publie aujourd'hui une pleine page de réclame (mensongère: il faudrait penser à saisir le Bureau de Vérification de la Publicité) de l'Unedic sur le nouveau régime promis aux intermittents du spectacle. Personne ne semble lui avoir dit qu'à force de provoquer le vent, la tempête s'est levée, et qu'elle n'est pas près de s'apaiser. Les matelots Aillagon et Fillon, délégués à la Culture et aux Affaires sociales, ne font même plus semblant d'écoper le navire. Puisque c'est le Medef qui tient le gouvernail, ils couleront avec le raffiot en moussaillons obéissants. Nos deux ministres ont en effet confirmé dans un communiqué commun que le Gouvernement allait « engager la procédure relative à l'agrément de l'accord signé vendredi 27 juin ». Pour amuser la galerie, Jean-Jacques Aillagon a certes promis d'improbables lots de consolation pour les « jeunes compagnies » (sans doute en monnaie de singe, non convertissable en euros) et invite ce mercredi, rue de Valois, « des organisations syndicales représentatives des secteurs de la culture et de l'audiovisuel » (a quoi bon, puisque la messe est dite...)
Pour le ministre de la Culture, si les intermittents et ceux qui les soutiennent n'apprécient guère les accords signés dans leur dos, c'est qu'ils n'ont pas su lire (ou pas lu du tout) le texte mirifique de ces accords : les saltimbanques sont analphabètes, c'est bien connu ! Jean-Jacques Aillagon a reçu aujourd'hui l'étonnant renfort du fabiusien Bernard Faivre d'Arcier, directeur (pour quelques jours encore) du festival d'Avignon. Dans une tribune publiée par Le Monde, il explique doctement : «personne n'a lu ni ne sait lire les textes, à part
les responsables syndicaux ». C'est formidable, la démocratie : si vous n'êtes pas d'accord avec tout le bien qu'on vous prépare, c'est que vous ne savez pas lire. Heureusement que Jean-Jacques Aillagon ferme les lieux dont il a la charge (après le Théâtre national de la Colline, la Grande Halle de la Villette, où le président en exercice, Bernard Latarjet, ne peut même plus accéder à son bureau !) ; ça évite que des bêtises ne se propagent.
Hélas, Jean-Jacques Aillagon ne maîtrise pas tout. A moins de museler les messageries électroniques et les sites internet (comme en Chine), de faire taire les médias indépendants (comme dans la Russie de Poutine) et de confisquer les téléphones portables des récalcitrants, la tempête circule ! Alors que de nouvelles réactions surgissent (très beau texte d'Olivier Py, communiqués d'une quarantaine de professionnels réunis à Sotteville-les-Rouen, de la Fédurock, de l'ADAMI, etc.), les syndicats, collectifs et coordinations d'intermittents ne chôment pas. A Paris, le maire du 11e, Georges Sarre a mis à disposition une salle municipale, la salle Olympe de Bouges, qui sert désormais de QG au mouvement parisien (15 rue Merlin, M° Père Lachaise ou Voltaire ; permanence téléphonique : 01 43 67 76 76). Tournages de cinéma arrêtés, grève à l'Opéra Bastille, occupation du Grand Rex pour la première du festival de cinéma de Paris, dramatiques stoppées sur France 2, et actions-surprises quotidiennes, comme aujourd'hui à la fin du marché Belleville où le siège de la CFDT a été copieusement bombardé de fruits et légumes un peu mûrs : le mouvement se porte bien.
A Nice, une assemblée générale de la coordination des intermittents du spectacle des
Alpes Maritimes vote à l'unanimité l'annulation des principaux festivals du département ;
A Marseille, Montévidéo, avec l'ensemble des participants invités, a décidé l'annulation d'Actoral, festival consacré à l¹écriture contemporaine, qui devait se tenir jusqu'au 5 juillet. Les Rencontres Théâtrales d'Hérisson, dans l'Allier, maintiennent une seule représentation, le 5 juillet, des Trois Sœurs avant de se mettre en grève et d'inviter le public à venir occuper l'outil de création. A Montpellier, le collectif Culture en danger appelle ce 2 juillet à un Repas citoyen, à partir de 11 h ; suivi d'une rencontre avec les principaux partis politiques à 14H salle Rabelais (Centre Rabelais, Esplanade Charles de Gaulle, Montpellier / 04 67 60 53 70, Culturendanger@free.fr / http://culturendanger.free.fr ). Etc, etc.
Pendant ce temps, la panique gagne un certain nombre de notables de droite, en région, qui craignent (à juste titre) que l'annulation des festivals ne mette à mal l'économie locale. C'est curieux, on croyait que la culture ne faisait que coûter au contribuable...
A Avignon cependant, selon Le Monde, l'assemblée générale des intermittents du festival "in" a suspendu la grève. Selon Nicolas Versoti, l'un des porte-parole du mouvement : « La grève n'a pas été reconduite parce qu'on a besoin d'un lieu d'expression. On est
conscient que le Festival d'Avignon est l'endroit où un cri unanime doit être poussé. Nous devons préserver notre outil de travail et nous avons besoin de lui pour nous faire entendre ».
A suivre...
D'ici là, la journée du mercredi 2 juillet sera marquée à Paris, par un rassemblement à 10 h devant le siège de l'UNEDIC (80 rue de Reuilly, Paris 12e), puis par une manifestation à 16 h, depuis la Place du Palais Royal jusqu'au Ministère des Affaires Sociales (à hauteur de la rue de Grenelle). Pour un mouvement qualifié de «suicidaire» par ceux-là même qui ne rêvent que de l'enterrer, ça fait beaucoup de vie!

J-M. A
1er juillet 2003

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