CHARGEMENT...

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« Monsieur le Premier ministre,

De quelle France meilleure avez-vous le projet ?
Aujourd'hui, le monde du spectacle vivant a pris feu. Car l'incendie couvait depuis longtemps.
La situation de blocage qui résulte du protocole d'accord signé le 26 juin relatif à l¹application du régime d'assurance chômage aux professionnels intermittents du cinéma, de l'audiovisuel, de la diffusion du spectacle, révèle au grand jour le profond désarroi dans lequel nos professions sont plongées depuis des mois. En prenez-vous la juste mesure ? En saisissez-vous l'urgence ? En estimez-vous les terribles conséquences ?
Certes, cet accord préserve pour le moment l'existence d'un régime spécifique dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle. Certes une réforme de ce régime est nécessaire.
Cependant, nous nous interrogeons sur la capacité de cet accord à réduire significativement le déficit des annexes 8 et 10. Nous estimons inacceptable la réduction de la période au cours de laquelle doivent être effectuées les 507 heures ouvrant droit à indemnisation.
Les mesures annoncées ne règleront pas les questions de fond et frappent de plein fouet l'économie déjà fragile du spectacle vivant.
On ne peut réformer le système de l'intermittence sans interroger au préalable l'ensemble des politiques publiques pour l'Art et la Culture et leur financement.
Depuis des mois, nous réclamons, sans être entendus, l'ouverture de négociations pour une relance d'une politique culturelle nationale, dans le cadre d'une concertation entre l'État, les collectivités territoriales et nos professions. Le 19 mai dernier, le SYNDEAC invitait à cet effet l'ensemble des formations politiques à l'Assemblée nationale ; seule l'UMP s'est désistée.

Nous cherchons en vain votre projet politique en la matière et ne trouvons que des actes et des signes d'une véritable régression, parmi lesquels :
-abandon du 1% culturel "sanctuarisé", promis par Jacques Chirac, candidat à la présidence de la République.
-augmentation des charges fiscales et sociales qui diminuent fortement nos budgets artistiques.
-fin du dispositif "emplois jeunes".
-désengagement annoncé de l'Etat envers les Festivals ou les Scènes de Musiques Actuelles.
-flottement sur le devenir du réseau national des établissements de création et d'action culturelle
-suppression du dispositif "Classe à PAC (projet artistique et culturel)
-menace de coupe budgétaire (heureusement levée) des crédits d'intervention de l'Association Française d'Action Artistique.
-incertitudes sur l'avenir de la décentralisation dont nous pressentons un lourd report des charges de l'action artistique et culturelle sur les collectivités territoriales, qui portent déjà la plus grande partie du financement de la culture en France.

Comprenez bien, monsieur le Premier ministre, qu'il ne s'agit pas ici de défendre des intérêts catégoriels mais bien d'envisager le destin artistique et culturel d'un pays et de ses habitants.

La création comme la recherche est fragile. Elle nécessite tout à la fois humilité, ténacité et volonté politique. Elle exige également un contrat social respectueux de la liberté de l'artiste et attentif à la fragilité de son économie. Elle est enfin essentielle à la pensée qu'une Nation doit avoir de son devenir.

Les artistes qui prennent le risque de la création seront les premiers pénalisés par l'accord du 26 juin et à travers eux la vitalité du paysage artistique et culturel de notre pays qui contribue à la diversité culturelle que vous appelez de vos voeux. Les mesures d'accompagnement en faveur de la jeune création et des compagnies annoncées par le ministre de la Culture, Monsieur Jean-Jacques Aillagon, sont dérisoires au regard de l'ampleur des besoins de notre secteur qui remplit - faut-il vous le rappeler ? – des missions d'intérêt général et de service public.

Nous ne sommes pas irresponsables. Nous avons fait des propositions de réforme au sein de la FESAC, dont beaucoup ont été reprises dans le rapport Roigt/Klein. Nous dénonçons le mépris du MEDEF qui les a systématiquement rejetées. Nous dénonçons l'exclusion de nos représentants de tout processus de négociation.

Personne ne se réjouit aujourd'hui de l'annulation de nombreux festivals. Nous mesurons les conséquences sociales et économiques de cette crise où ceux qui se sont engagés dans des modes d'action radicaux et périlleux pour nous tous et le tissu socio-économique local, le font avec le goût amer du dernier recours.

En conséquence, par cette lettre ouverte, nous vous demandons, monsieur le
Premier ministre:
-de surseoir à l'agrément du protocole du régime des intermittents
-de prendre les mesures réglementaires ou législatives pour que les syndicats d'employeurs du spectacle vivant soient effectivement associés à une nouvelle négociation paritaire
-de constituer, en amont à toute renégociation à l'UNEDIC, une table ronde nationale pour une relance des politiques publiques pour l'Art et la Culture
-de constituer un groupe de travail rassemblant les organisations professionnelles pour la définition d'une Loi d'orientation pour l'Art et la Culture dans le domaine du spectacle vivant.

Persuadés que vous entendrez la force de notre détermination, je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération».

Stéphane Fièvet,
Président du SYNDEAC

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