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Il y avait «matières à réflexions», aux Subsistances à Lyon, du 6 au 8 septembre derniers. MAtièRes à RéflExions, en résumé, cela s'énonce «MARRE!» et c'est sous cet intitulé rageur que le Regroupement des Compagnies du spectacle vivant en Rhône-Alpes conviait à des rencontres nationales pour questionner notamment les rouages grinçants de l'institution, de l'intermittence et du statut des compagnies indépendantes. Venus de Bretagne, d'Alsace, de Provence Alpes Cote d'Azur, du Val de Loire et de Midi-Pyrénées, des représentants d'autres regroupements régionaux se sont joints à cette manifestation, ainsi que des élus locaux, responsables d'institution, journalistes, philosophes, sociologues...
«La parole des artistes peut-elle encore se faire entendre publiquement? Quels sont les rôles, places, responsabilités et outils de l'artiste face à la dépolitisation croissante de notre société?»: des questions éminemment «citoyennes», insolemment balayées d'un revers de formule par un représentant de la Direction régionale des Affaires Culturelles de Rhône-Alpes, qualifiant en aparté ces rencontres de «nombrilistes»! Tel n'était pas le sentiment d'Abel Gago, adjoint à la culture et à l'éducation du 9ème arrondissement de la ville de Lyon, présent lors de la soirée inaugurale. Maladroit, ne parlant pas le même langage que les artistes réunis, malmené par le sociologue Hervé Laval, Abel Cago a pourtant insisté sur une chose essentielle, à qui voulait l'entendre: la fragilité de l'élu.
Sérieuse, comme l'indiquait son titre, cette assemblée s'est attachée à faire circuler les paroles, toutes les paroles. En trois jours, le brouhaha s'est souvent fait tumulte, mais quelques voix ont su exprimer dans la clarté quelques-uns des nombreux maux évoqués.
Ainsi, dans une parabole sur le rythme («Rythmos : Réflexion sur l'intermittence dans la création artistique»), le philosophe Mathias Youchenko, également président du MRAP à Arles, à réussi à saisir la qualité du geste artistique et à dire les malaises d'une profession qui n'a plus ou ne se donne plus le temps de retrait nécessaire à l'acte artistique. Une parole poétique dans un chaos politique, qui a suscité d'intéressants échanges sur cette notion d'intermittence, qui est à nouveau dans le collimateur du Medef. Mais faut-il en rester à des échanges de parole et à des déclarations d'intention?
Plus prosaïque et bigarré, Hervé Laval, sociologue à l'Université de Paris 8, lors de son intervention a invité à une lutte en acte, prenant exemple sur «le modèle Act Up» et appelant à contrer l'inflation pléthorique de création de postes administratifs dans l'institution culturelle. De leur côté, Jean Hurstel, directeur de la Laiterie à Strasbourg et du Réseau Banlieues d'Europe, et Philippe Henry, maître de conférence en études théâtrale à Paris 8, se sont proclamés mendiants férus de management et ont déplié les modèles éculés, usés, qui régissent encore le fonctionnement de la culture en France et ne semblent plus guère adéquats.
De ces tentatives d'assemblage d'une parole commune, politique, on regrettera cependant qu'ait était paradoxalement évacuée la question de l'art. Le véritable mal-être de la profession est-il là? Trop (pré)occupé par la recherche de subventions, par le rapport aux collectivités locales, par les questions de pédagogie ou d'animation culturelle, l'artiste submergé de politique et de gestion civile, a t-il encore le temps de travailler son champ? Toutes ces contraintes lui font subir une « extra-territorialité » de pratique, qui peut dans certain cas mener à une dangereuse schizophrénie.
Aux Subsistances, en tout cas, l'heure était au vécu quotidien des compagnies. En clôture de ces «Matières à réflexions», a été affirmée la nécessité d'engager une véritable action collective qui excéderait le cadre du regroupement des compagnies en Rhône-Alpes, en nouant des relations avec des collectifs d'artistes en tous genres et des associations militantes comme ATTAC. Les Actes du colloque sont à venir. Les actions, elles, restent à mener. Sur la question de l'intermittence, notamment, il y a urgence!

Hervé Pons, Jean-Marc Adolphe

- «Matières à réflexions», rencontres nationales organisées par le Regroupement des Compagnies du spectacle vivant en Rhône-Alpes, ont eu lieu aux Subsistances à Lyon, les 6,7 et 8 septembre 2002.

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