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Alors que les négociations entre les partenaires sociaux (Medef et syndicats) devraient prochainement s'ouvrir sur le régime spécifique des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, la Cour des Comptes s'invite dans le débat, en jugeant dans son rapport annuel que la "dérive financière" actuelle du régime "préoccupe à juste titre les gestionnaires de l'Unedic". La Cour des comptes estime qu'"un effort de maîtrise des dépenses constitue désormais la seule voie de réforme possible du régime d'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle".
La Cour des comptes s'étonne qu'il « ne soit nécessaire de déclarer que 507 heures de travail sur douze mois consécutifs pour acquérir des droits à indemnisation pendant une durée d'un an. Ce seuil d'indemnisation peut également être atteint au terme de 43 cachets isolés » ou, à raison de deux cachets par jour, 22 journées d'activité suffisent, écrit la Cour. Cette vision purement comptable ne prend pas en compte la réalité de ce que vivent la plupart des intermittents, dont les cachets, souvent faibles, ouvrent sur une indemnisation qui n'atteint même pas le niveau du Smic ! D'autre part, la spécificité des métiers artistiques, ajoutée à la précarité financière de nombreuses équipes de création, fait qu'une bonne part de l'activité (répétitions, formation, etc.) n'est précisément pas salariée. Or, dans l'esprit des annexes 8 et 10 de l'Unedic, s'il est instauré un « régime d'activité pour les intermittents, c'est précisément parce que ce régime d'activité n'est pas entièrement synonyme d'un « régime salarial ».

Le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents conduit à « faire financer par la solidarité interprofessionnelle les coûts de la précarité », juge la Cour des comptes, omettant de rappeler que ladite solidarité interprofessionnelle a été sérieusement écornée par la décision, prise voici quelques années, de séparer les cotisations des artistes et techniciens intermittents de celles des personnels permanents des entreprises artistiques et culturelles !
Faisant l'impasse sur ce point, la Cour des comptes préconise « un effort de maîtrise des dépenses », qui constituerait «la seule voie de réforme possible ». Parmi les orientations qu'elle propose : : « aboutir à une réglementation plus stricte et plus équitable entre artistes et techniciens », « rendre la durée et le montant de l'indemnisation croissants en fonction du temps de travail », « renforcer le contrôle en organisant des rapprochements entre les fichiers des organismes de protection sociale et l'intensification des contrôles ». Il est notoire que la production audiovisuelle (y compris, en sous main, quelques-unes des plus grosses entreprises du secteur !) ont abusé du régime de l'intermittence. Dans ce domaine, les abus devraient pourtant être faciles à traquer, dès lors que l'on donnerait de véritables moyens aux inspections du travail, mais la Cour des comptes préfère se réfugier derrière un constat d'impuissance : « Peu de fraudes ont été prouvées (...) au cours des années 1999 à 2001 », ce qui traduit « la difficulté à déceler des comportements frauduleux lorsqu'ils sont fondés sur la connivence entre employeurs et salariés ». Bref, l'hypocrisie reste de mise !
La Cour des comptes, enfin, a calculé que la moitié du déficit du régime général d'assurance chômage (447,1 millions d'euros) serait dûe à elle seule à « la charge spécifique du régime des intermittents du spectacle ». Elle souligne d'autre part que « les prestations d'assurance chômage versées à ce titre ont plus que triplé entre 1991 et 2001 ». Que conclure de ces deux observations ? C'est simple. Alors que l'activité artistique et culturelle s'est développée en France ces dernières années (y compris en termes d'emplois !), la précarisation financière du ministère de la Culture (dont les moyens, en francs constants, ont diminué pendant cette période) s'est globalement traduite par une régression de la permanence artistique dans les équipes de création artistique et d'action culturelle ; le régime de l'intermittence devenant alors pour beaucoup le dernier rempart contre une totale précarité.
La seule façon de sortir de la « crise » de ce régime de l'intermittence est donc de réaffirmer haut et fort la nécessité politique d'un tel dispositif, en conférant même à l'intermittence un véritable statut pouvant s'ouvrir à d'autres catégories professionnelles. Cette volonté politique devrait évidemment s traduire également par une très significative augmentation des moyens budgétaires du ministère de la Culture. On est, évidemment, loin du compte, et faute d'ouvrir ce débat-là, les tergiversations comptables auront à chaque fois un peu plus raison d'un « régime spécifique » aux intermittents qui sera bientôt vidé de toute raison d'être...

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