Du dadaïsme collectif de Bazooka à l’expressionisme de Damien Deroubaix, du symbolisme de Marlène Mocquet au psychédélisme de Vidya Gastaldon, de l’intimisme de David B à la figuration colorée de François Boisrond, chacun à leur tour, les artistes exposés à L’Abbaye de Sainte-croix expriment leur spécificité à l’aide d’une très large palette de couleurs, de formes et de matières.
Parmi eux, Valère Novarina – davantage connu pour son exceptionnel talent de dramaturge et de metteur en scène – réalise une véritable rétrospective en exposant un large ensemble de peintures et de dessins réalisés ces 40 dernières années. Si l’on connait son engouement pour la peinture notamment avec les nombreuses toiles qui forment les décors de ses créations scéniques, l’exposition des Sables d’Olonne reste, à ce jour, l’occasion unique de faire le point.
On y voit plusieurs dizaines de grandes œuvres peintes de gestes sensibles, rapides, spontanés, violents où les traits, traces, coulures, reprises, taches semblent les conséquences d’un état de vie, d’une volonté de composer d’autres mondes informels à partir de la matière picturale. Si comme l’écrit Valère Novarina « l’œil est la langue du corps », il y a ici de quoi réjouir les « papilles de la rétine » en observant la puissance narrative d’œuvres qui cherchent à dépasser le statut de la représentation. Cependant on admettra que ce monde pictural doit beaucoup à la puissance expressive des peintres des années 1950 : celui du néo-expressionniste allemand d’A.R Penck et encore davantage de l’esprit cobra d’Asger Jorn.
Le léger parfum de « déjà vu » qui hante l’exposition de Valère Novarina est en revanche indétectable dans le choix des œuvres qu’expose Anita Molinero. Un univers sculptural unique dont la violence poétique et l’actualité politique restent inégalées. Au rez-de-chaussée, sous la verrière, sont installés des œuvres formées d’assemblages réalisés ces quinze dernières années : filets de pêcheurs posés à l’horizontal, violets, oranges, verts… qui rappellent la beauté et la fragilité des fonds marins.
Ce sont aussi des totems païens formés de pots d’échappements métalliques enchevêtrés avec un toboggan plastique pour enfants ou un pneu érigé dont l’intérieur est empli de poubelles fondues. Et surtout une énorme sculpture rouge. Une sorte de Léviathan, un monstre venu du chaos, qui contrairement au récit biblique n’est pas un monstre primitif, mais davantage un monstre technologique capable de bouleverser la planète. Formés d’un ensemble de structures noires plastifiées d’intérieurs de voitures, il est recouvert d’un papier adhésif rouge sang, qui laisse apparaître comme des organes fondus. Il gît au sol écorché, toujours menaçant, comme une métaphore d’un nouvel âge géologique marqué par la capacité de l’humain à transformer la terre.
Enfin, tout en haut, sous les voutes boisées qui rappellent la nef d’un navire, sont répartis par bloc de quatre ou cinq, sept rangées de panneaux verticaux sur une longueur d’une vingtaine de mètres.
Ce sont de longs rectangles d’un bleu corail, rongés par endroits, qui laissent le blanc neigeux du polystyrène paraître tandis qu’au loin une œuvre étrange, à taille humaine, nous observe. Il s’agit d’une sculpture érigée en fer à béton et chaînes aux larges anneaux rouillés sur lesquelles repose une peau de mouton, rare matière organique utilisée par l’artiste. Elle semble le fantôme d’un mystérieux navigateur condamné à errer. Une rencontre comme un mauvais présage d’un futur post apocalyptique.
> Légendes 1. Valère Novarina, p. Rebecca Fanuele ; 2. et 3. Anita Molinero, p. Aurélien Mole
> Valère Novarina, Disparaître sous toutes les formes, jusqu’au 28 mai > Anita Molinero, Des ongles noirs sous le vernis jusqu’au 24 septembre au musée de l’Abbaye Sainte-Croix, les Sables d’Olonne
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