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Questionné sur l'extrême «surdité» du gouvernement face au mouvement des intermittents, lors de sa conférence de presse ce lundi 7 juillet à 12 h 30 rue de Valois, le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, a rétorqué: «il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre». En effet! Voici dix jours, nous étions tenus pour incapables de lire l'accord signé le 27 juin entre le Medef, la CFDT, la CGC et la CFTC sur la réforme des annexes 8 et 10 et l'Unedic; incapables de voir les «avancées» tellement formidables de cet accord. Nous n'avions peut-être pas si mal lu, puisque aujourd'hui, le ministre de la Culture convient, à tout le moins, que certains points de cet accord doivent être revus. Mais, incorrigibles que nous sommes, nous persistons à ne pas entendre tout le bien que veulent aux intermittents le Medef et le gouvernement réunis. Au lieu de couper la tête aux intermittents, on se contentera des bras et des jambes: quelle bonne nouvelle, en effet!
Ce lundi matin, Jean-Jacques Aillagon a donc communiqué «la position arrêtée par le gouvernement». Et globalement, le discours reste le même: pour «sauver» l'intermittence qui était «menacée», les partenaires sociaux se sont entendus sur un accord que le gouvernement va agréer. A quelques réserves près. Jean-Jacques Aillagon a indiqué avoir réuni tôt ce matin certains des signataires de l'accord pour leur suggérer quelques aménagements techniques, ainsi qu'un report d'application de cet accord du 1er octobre 2003 au 1er janvier 2004, avec une entrée en application progressive en 2004/2005 (encore tout ceci est-il soumis au bon vouloir du Medef et des syndicats qui ont signé l'accord!). Il ne faut pas s'y tromper: plus qu'un recul, il s'agit d'un pas de côté. En effet, à quoi sert-il de gagner quelques mois alors que c'est la vie tout entière de milliers d'intermittents, et au-delà, de toute la vie culturelle dans ce pays?
Jean-Jacques Aillagon a affirmé avoir la «garantie» de Jean-Pierre Raffarin que le ministère de la Culture obtiendra des moyens budgétaires supplémentaires pour compenser la régression des annexes 8 et 10. Mais il a eu, à ce propos un bien curieux lapsus: «les moyens du titre IV (où émarge le spectacle vivant) croîtront l'année dernière».
Quant à la sanction des abus que commettent, dans l'audiovisuel, certaines grosses sociétés de production, Jean-Jacques Aillagon, la voix tentée d'indignation, a assuré qu'il y veillerait personnellement, en émettant l'idée d'un «code de bonne conduite» que les entreprises devront respecter. Il a même parlé «d'interdire aux sociétés de l'audiovisuel de sous-traiter à des sociétés qui ne respectent pas ce code de bonne conduite». On voit mal comment le ministère de la Culture «interdirait» à TF1 et quelques autres de continuer à faire ce qu'ils font depuis des années.

Voici quelques jours, Jean-Pierre Raffarin parlait «d'apaisement social». On voit ce qu'il en est. Les mesurettes annoncées par Jean-Jacques Aillagon n'apaisent rien du tout. Alors que de nombreux artistes, de nombreux regroupements de professionnels du spectacle et de l'audiovisuel ont solennellement demandé au Premier ministre de ne pas agréer l'accord signé dans la nuit du 26 au 27 juin, celui-ci continue de faire le sourd et observe un silence radio lourd de conséquences. En toute connaissance de cause, le gouvernement refuse donc au mouvement des intermittents le seul geste que celui-ci attendait: le non-agrément de l'accord intervenu le 27 juin, et l'ouverture de nouvelles négociations. Ce faisant, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin prend en otage l'été des festivals, à commencer par ceux d'Avignon et d'Aix-en-Provence, dont l'annulation devient plus que probable. Les intermittents et ceux qui les soutiennent sauront montrer au gouvernement actuel et au Medef qu'ils ont décidé de ne plus être une simple «variable d'ajustement». A bon entendeur...

Jean-Marc ADOLPHE


Le communiqué de presse de Jean-Jacques Aillagon :
ministre de la culture et de la communication le 7/7/2003


I / Les négociations sur le régime de l'intermittence du spectacle conduites entre les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'Unedic ont abouti à un accord signé le 26 juin dernier.

J'ai entendu les inquiétudes et les incompréhensions que suscite cet accord au sein de la communauté artistique.

Depuis le 26 juin dernier, j'ai procédé :

- à l'expertise de l'accord, tant au sein du ministère qu'en liaison avec l'UNEDIC, rencontrée le 3 juillet.

- à des discussions et concertations avec l'ensemble des organisations syndicales. Deux séances collectives ont eu lieu les 2 et 3 juillet derniers. Des consultations bilatérales, au niveau des syndicats de branche et des confédérations nationales, ont eu lieu toute la semaine, et notamment le 5 juillet dernier.

- à des rencontres avec des artistes et des directeurs de festivals et de théâtre afin de prendre la juste mesure de leur appréciation de l'accord, de leurs inquiétudes et de leurs attentes.

J'ai enfin rencontré ce matin, lundi 7 juillet, les organisations nationales signataires de l'accord au sein de l'UNEDIC.



II / A l'issue de cette semaine de travail, je fais l'analyse suivante :


1 – L'accord du 26 juin dernier sauve et pérennise le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel. Très fragilisé, ce régime était en effet menacé dans son existence même.

En un peu plus de 10 ans le nombre des intermittents a été multiplié par 2, les allocations servies par près de 4, et le déficit 2002 (plus de 800 M€) représente près du tiers du déficit prévisionnel 2003 du régime général.

Pour la première fois, son maintien dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle résulte d'un véritable accord impliquant les employeurs au niveau confédéral. Il a été précédé d'une large négociation.

Il ne faut pas perdre cet acquis, faute de quoi le régime peut réellement disparaître, ainsi qu'en attestent les lourdes menaces qui ont pesé sur son existence même en 2002, et contre lesquelles je m'étais élevé avec force.






2 – Cet accord comporte des avancées :

- La durée du temps travaillé est prise en compte dans le calcul du montant de l'indemnisation

- Les droits à indemnisation sont prolongés par chaque période travaillé.

- Les activités de formation dispensée n'entraînent plus l'exclusion du régime.

- La dégressivité des allocations est supprimée.

- La prise en compte des congés de maladie et maternité pour l'ouverture des droits est confirmée.



3 – L'accord a toutefois suscité de nombreuses inquiétudes, auxquelles je suis très attentif.

Les consultations de ces derniers jours ont fait apparaître en effet plusieurs points insatisfaisants. Je souhaite en relever trois en particulier.

- Le nouveau système n'attaque pas de front une des sources principales de fragilisation du régime que sont les abus de la part d'entreprises, notamment dans les secteurs de la production audiovisuelle ;

- La réduction trop rapide de la période d'affiliation peut poser pour les artistes de réelles difficultés, aggravées par l'exclusion totale des périodes d'enseignement dispensé dans le décompte des heures ouvrant droit à indemnisation, et par le plafonnement des cachets.

- Le caractère abrupt de la transition entre les deux systèmes est accru par l'entrée en application des nouvelles dispositions dès le 1er octobre 2003


C'est à ces trois problèmes que je souhaite me consacrer à présent.

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