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L'accord sur la réforme des annexes 8 et 10 de l'Unedic, qui fixent le régime des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, est intervenu dans la nuit du 26 au 27 juin, dans les termes que nous annoncions en exclusivité sur mouvement.net dans la matinée du 26 juin. En gros : réduction du nombre de mois sur lesquels devront être effectuées les fatidiques 507 heures (10 mois au lieu de 12 actuellement) ; durée d'indemnisation ramenée d'un an à huit mois ! En clair : un bon tiers des intermittents, parmi ceux qui sont déjà les moins indemnisés, vont être rapidement éjectés du système.
Il s'est trouvé trois organisations syndicales pour parapher les exigences du Medef : la CFDT et la CGC (on pouvait hélas s'y attendre), et la CFTC, qui s'était pourtant engagée, lors d'une assemblée générale le 23 juin à la Bourse du Travail, à ne pas avaliser une réduction de la durée d'indemnisation. On pourrait ironiser sur le bien-fondé de ces négociations entre « partenaires sociaux » : CFDT, CGC et CFTC doivent bien représenter, à elles trois, 5% des professions du spectacle et de l'audiovisuel ! C'est ce que Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, appelle un accord majoritaire...
Force Ouvrière et la CGT, nettement plus représentatifs (et plus combatifs) ont pour leur part refusé de signer l'accord intervenu au siège du Medef. Jean Voirin, secrétaire général de la fédération CGT du spectacle a qualifié l'accord de "scélérat" : « C'est la curée pour le spectacle vivant ». Patrick Bloche, député socialiste de Paris a lui aussi réagi par des propos que rapporte Le Monde, ce 27 juin après-midi : « l'accord pourra être gérable pour les entreprises de l'audiovisuel mais il n'est pas adapté à la réalité du spectacle vivant. Les entreprises culturelles souffrent déjà de la fin des emplois jeunes et bien souvent du gel ou de l'annulation des subventions d'Etat. Ce nouveau régime va encore précariser bon nombre d'artistes ».
C'est bien ce qu'avait voulu exprimer la grosse manifestation organisée hier à Paris, qui a vu défiler 15.000 personnes, de la place des Invalides au siège du Medef. De nombreuses actions ont également eu lieu en région : A Rennes, notamment, une centaine d'intermittents ont occupé les studios de France 3 et empêché la diffusion du journal régional ; à Besançon et à Lyon, des manifestants ont occupé les locaux du Medef ; et à Toulouse, des intermittents ont occupé l'Union Régionale CFDT, dont ils ont déménagé le mobilier de bureau dans un jardin attenant.
Ce vendredi 27 juin, la mobilisation se poursuit un peu partout. A Tours et au Mans, les intermittents ont commencé à occuper les théâtres municipaux. A Paris, une assemblée générale, fort suivie, a eu lieu ce matin à la Bourse du Travail, et les Précaires Associés de Paris occupent toujours le Théâtre national de la Colline, où ils donnent rendez-vous tous les jours à 18 h. Et un rassemblement place du Palais Royal, à proximité immédiate du ministère de la Culture, est en cours alors que Jean-Jacques Aillagon reçoit les trois syndicats signataires de l'accord. Le ministère de la Culture et celui des Affaires sociales peuvent encore décider de ne pas valider « l'accord » intervenu entre « partenaires sociaux ». Mais il y a peu de chances que le gouvernement fasse marche arrière. Ce matin sur France Inter, Jean-Jacques Aillagon s'est même réjoui : « L'intermittence était menacée. Elle est, aujourd'hui, sauvée ». Pas facile à faire comprendre aux nombreux intermittents qui savent, eux, qu'ils sont condamnés à court terme !
Mais au-delà ; c'est toute la production culturelle, théâtrale, chorégraphique, musicale et cinématographique qui se trouve aujourd'hui prise en otage par cet « accord » entre Medef, CFDT, CGC et CFTC. Car cela signifie très concrètement que nombre de productions parmi les plus innovantes (souvent les plus fragiles économiques) vont se trouver tout simplement empêchées ; et que les coûts de production de structures mieux dotées (centres dramatiques, centres chorégraphiques) vont doubler, au bas mot. C'est donc une profonde transformation du paysage culturel qui va s'opérer. Les « artistes » des Feux de l'amour, de Star Academy et de Nice People n'ont aucun souci à se faire. La dizaine de jeunes comédiens du Théâtre des Lucioles, qui jouent actuellement un texte de Fassbinder au Théâtre de la Bastille, sans se payer intégralement sur le long temps de recherche et de répétition qui leur a fallu, n'auraient tout simplement pas pu monter ce spectacle. S'il faut espérer que Bouygues-TF1 produise quoi que ce soit de Fassbinder, on risque d'attendre longtemps... Ce n'est qu'un exemple naturellement.
Avec un régime d'intermittence ainsi modifié ; la plupart des créations à l'affiche au Festival Montpellier-Danse, qui s'ouvrait hier, n'auraient pas davantage pu voir le jour. En empêchant, hier soir, ces spectacles d'avoir lieu, les intermittents n'ont fait qu'anticiper ce que le public ne pourra bientôt plus voir ! N'en déplaise au maire (socialiste) de Montpellier, Georges Frêche, qui a menacé de licencier sur le champ les techniciens récalcitrants, le mouvement ne va pas s'arrêter de si tôt... A suivre, chaque jour ou presque, sur mouvement.net.

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