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Portrait de Yolande Zauberman

37 ans après avoir été tournés, certains documentaires résonnent encore. Peut-être parce que le monde ne change pas tant que ça ; probablement parce que ces films visent juste et touchent à des réalités qui perdurent, bien après la mort de leurs protagonistes. Classified people, tourné en Afrique du Sud en 1987, est de ceux-là. On y suit un vieux couple démesurément amoureux en plein apartheid : Doris est une femme noire ; Robert pensait être un homme blanc avant que les autorités n’en décident autrement. Sa première femme le quitte et ses enfants le rejettent pour échapper à la ségrégation. La matrice du cinéma de Yolande Zauberman se dessine dans ce premier film : la rencontre au centre, et un dispositif simple qui déroule comme par magie une incroyable intimité. L’amour, la religion, la politique. Parisienne d’origine polonaise, locutrice du yiddish, c’est sa rencontre avec le réalisateur israélien Amos Gitaï qui la fait basculer. « Le cinéma m’a éduquée et la caméra m’a mise debout », dit-elle. Sans commettre d’effraction, à la manière d’une psychanalyste, Yolande Zauberman pousse des portes verrouillées à triple tour. Elle trouve la lumière dans les zones les plus sombres de l’humanité. Pour (2018), elle s’est immiscée à Bnei Brak, capitale des juifs ultraorthodoxes, avec un jeune homme qui cherche à confronter ses violeurs. En revenant sur les lieux des crimes, ce film met la focale sur le scandale d’une pédophilie à grande échelle, et dévoile le cercle vicieux qui transforme les victimes en bourreaux. Avec La Belle de Gaza, présenté à Cannes cette année, la cinéaste poursuit sa quête dans la nuit de Tel Aviv aux côtés de femmes trans, demi-déesses marginalisées. C’est parfois dans le noir que se révèle le vrai visage de la société.

Votre film Classified People (1987), restauré récemment, suit un couple sud-africain, Robert et Doris, pendant l’apartheid. Robert a la particularité d’avoir été classifié comme « métis ». Ce n'est pas le cas de ses enfants qui vont l’abandonner pour ne pas subir la ségrégation. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film ? 


Classified People est fondateur pour moi. C’est un film qui m’a fait autant que je l’ai fait. Je suis partie en Afrique du Sud avec une question muette qui m’habitait depuis longtemps : comment fait-on pour vivre lorsqu’on est désigné d’une certaine manière ? On subit tous une forme de désignation : la sienne, celle de sa famille, celle de la société. Je n’ai pas fait Classified People pour participer à la lutte sud-africaine : je l’ai fait comme un film miroir, pour nous, en Europe. Classified People a éclairé quelque chose d’important : la marge de liberté qu’on a dans l’amour, dans le plaisir, dans le partage, malgré les origines, les religions ou la couleur de peau. Le couple que j’ai filmé là-bas m’a montré que la résistance est dans l’intime : en 1987, cela pouvait paraître assez naïf, mais &ccedi

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