Votre film Classified People (1987), restauré récemment, suit un couple sud-africain, Robert et Doris, pendant l’apartheid. Robert a la particularité d’avoir été classifié comme « métis ». Ce n'est pas le cas de ses enfants qui vont l’abandonner pour ne pas subir la ségrégation. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film ?
Classified People est fondateur pour moi. C’est un film qui m’a fait autant que je l’ai fait. Je suis partie en Afrique du Sud avec une question muette qui m’habitait depuis longtemps : comment fait-on pour vivre lorsqu’on est désigné d’une certaine manière ? On subit tous une forme de désignation : la sienne, celle de sa famille, celle de la société. Je n’ai pas fait Classified People pour participer à la lutte sud-africaine : je l’ai fait comme un film miroir, pour nous, en Europe. Classified People a éclairé quelque chose d’important : la marge de liberté qu’on a dans l’amour, dans le plaisir, dans le partage, malgré les origines, les religions ou la couleur de peau. Le couple que j’ai filmé là-bas m’a montré que la résistance est dans l’intime : en 1987, cela pouvait paraître assez naïf, mais &ccedi