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Il aura fallu onze heures de voyage en car à la réalisatrice, de la capitale aux petits villages où subsistent encore quelques témoins, de seconde ou de première main, de l’existence de ce « cœur simple ». Cœur simple, dans la mesure où la vie ne devait pas l’être pour Mafifa et sa fratrie dans une minuscule maisonnette abritant une quarantaine de membres.


Gladys Esther Linares, femme peu commune, surnommée Mafifa ou plus simplement La Niña, est morte en 1985, à l’âge de quarante-quatre ans. Le seul amoureux qu’on lui ait connu, et encore par ouï dire, assez vite la délaissa. Elle voua le reste de sa vie à la musique. Certaines rumeurs malveillantes suggèrent que Mafifa était un homme travesti en femme ou une femme n’aimant pas les hommes… Et à son orchestre d’hommes sur lesquels elle exerça un ascendant. Elle sut se distinguer de tous par la parfaite maîtrise de tous les instruments de percussion, celle surtout de la cloche « majeure », sorte de plat en fonte, qui donne le « la » et le compás aux autres. Plat chauffé à blanc par l’instrumentiste ou par le soleil, les jours les plus festifs, en période de carnaval.


L’expédition entreprise en 2019 par Daniela Muñoz Barroso tient de la recherche ethnographique, voire ethnomusicologique. Mais le portrait impressionniste de Mafifa prend aussi la forme d’un autoportrait de l’auteure qui s’avère ou s’avoue être malentendante. En conséquence de quoi, étant dans l’incapacité de capter les fréquences les plus aiguës et, paradoxalement, celles de la cloche, elle et sa monteuse, Joanna Montero, alternent scènes et séquences accompagnées de sons perceptibles par un spectateur lambda (de 20 Hz pour les graves à 20.000 Hz pour les aigus) et plans accompagnés d’une bande audio telle qu’est censée la percevoir la cinéaste. Daniela Muñoz Barroso assume non seulement ses images « expérimentales » prises par elle, caméra au poing, avec des flous résultant des mouvements et des sautes ainsi que de gros plans quasiment macrophotographiques déréalisant tout contexte. Ces images sont celles d’une caméra qualifiée autrefois de « subjective ». Le microphone l’est tout autant, dans le cas présent avec les passages de sons étouffés ou floutés. Se dégage du film une poésie rare née d’une quête impossible sinon improbable avec ses brefs moments de révélation, de traces ou preuves tangibles d’une existence qui paraît lointaine et ne l’est pas tant que cela.


> Festival Biarritz Amérique latine, du 26 septembre au 2 octobre à Biarritz

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